L’Algérie, présidente du Conseil de la Ligue arabe, étonnamment absente des tractations sur la Syrie

Tebboune.

Abdelmadjid Tebboune, président de l'Algérie, qui assure actuellement la présidence du Conseil de la Ligue arabe.

En prévision du 32ème sommet de la Ligue arabe, qui se tiendra le 19 mai courant à Djeddah en Arabie saoudite, deux réunions regroupant plusieurs pays arabes ont été récemment tenues pour discuter de l’éventuelle réintégration de la Syrie au sein de l’organisation panarabe. Humiliation suprême, l’Algérie n’a été invitée ni par les Saoudiens ni par les Jordaniens, organisateurs de ces deux réunions, alors qu’elle préside actuellement le Conseil de la Ligue arabe et qu’elle s’est érigée en avocat du retour de la Syrie qu’elle voulait inviter au sommet d’Alger de novembre dernier.

Le 05/05/2023 à 12h27

Flash-back. Le 25 juillet 2022, l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra est à Damas, la capitale syrienne, d’où il affirme que son pays fait tout son possible pour que la Syrie réintègre la Ligue arabe et assiste au sommet d’Alger de novembre 2022. Il s’est même montré très optimiste en expliquant que «de nombreux responsables arabes se rendent de plus en plus à Damas et rencontrent des responsables syriens», estimant que l’absence du pays de Bachar el-Assad de la Ligue arabe est «préjudiciable à l’œuvre arabe commune».

Le 8 septembre 2022, et alors que la majorité des pays arabes a opposé un niet catégorique à la présence de la Syrie au sommet arabe d’Alger, menacé d’un nouveau report, voire d’une annulation pure et simple, la junte algérienne rétropédale. Pour sauver la face et le sommet arabe d’Alger, Lamamra joue la théâtralisation et publie un communiqué officiel de son département, où il laisse entendre que Fayçal Mekdad, son homologue syrien, l’a informé «que son pays préfère que la question de la reprise de son siège au sein de la Ligue des États arabes ne soit pas soulevée lors du Sommet d’Alger… pour contribuer ainsi à la consolidation de l’unité des rangs arabes face aux défis imposés par les développements actuels au double plan régional et international».

Si cette première humiliation a été acceptée par le régime algérien, en vue de ne pas être dessaisi de l’organisation d’un sommet qu’il a passé trois années à quémander, comment expliquer que l’Algérie, aujourd’hui présidente du Conseil de la Ligue arabe, se laisse écarter des réunions de pays arabes en cours depuis quelques semaines pour négocier un éventuel retour de la Syrie au sein du giron arabe?

Lundi dernier, s’est tenu dans la capitale jordanienne, Amman, un mini-conclave de pays arabes, où les ministres des Affaires étrangères de Jordanie, d’Arabie saoudite, d’Égypte et d’Irak, en présence du chef de la diplomatie syrienne Fayçal Mekdad, ont débattu des conditions que doit remplir la Syrie en vue de faciliter sa réintégration au sein de la Ligue arabe, où sa qualité de membre est gelée depuis 2011. Aucune trace d’Ahmed Attaf, nouveau chef de la diplomatie algérienne, qui devait être le premier à assister à cette réunion puisque son pays, allié de la Syrie, assure la présidence tournante du Conseil de la Ligue arabe jusqu’au 19 mai courant.

Aucune présence de l’Algérie non plus à la réunion de Djeddah qui a regroupé, le 14 avril dernier, neuf pays arabes, dont les six membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït, Qatar, Bahreïn et Oman), ainsi que deux pays voisins de la Syrie, à savoir l’Irak et la Jordanie, en plus de l’Égypte qui abrite le siège de la Ligue arabe.

Ces tractations intenses montrent que contrairement à la démarche du régime algérien, qui a lamentablement échoué à forcer la main aux autres pays arabes en faisant cavalier seul sur le dossier syrien avant le sommet d’Alger, l’Arabie saoudite, qui organise dans quelques jours le prochain sommet arabe, a plutôt choisi la concertation avec les poids lourds de la Ligue arabe, dont le Maroc qui a été consulté lors d’entretiens téléphoniques entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays.

D’ailleurs, le Maroc fait partie d’un bloc médian qui n’est pas opposé au retour de la Syrie, mais qui soutient que la réintégration à la famille arabe est soumise à des conditions que le régime de Bachar el-Assad doit préalablement remplir. Parmi ces conditions, la mise à mort du soutien aux séparatistes du Polisario comme l’exigent non seulement le Maroc, mais la majorité de ses alliés arabes.

Le bloc favorable au retour de la Syrie à la Ligue arabe est quant à lui porté par l’Arabie saoudite et celui farouchement opposé est incarné par le Qatar.

Piètre et éphémère présidente du Conseil de la Ligue arabe durant les six derniers mois, l’Algérie n’a jamais su prendre l’initiative de convoquer une seule réunion ministérielle de la Ligue arabe. La crise soudanaise ou celle israélo-palestinienne l’ont laissée de marbre. Aux dernières nouvelles, on apprend que le ministre égyptien des Affaires étrangères aurait convoqué deux réunions extraordinaires des ministres arabes des Affaires étrangères, prévues au Caire les 6 et 7 mai, en vue de discuter les dossiers soudanais et syrien. Bien que tous les pays arabes y soient invités, l’Algérie n’a trouvé comme échappatoire à son incurie au niveau de la Ligue arabe que d’annoncer qu’elle a été parmi les premiers conviés au Caire. Quelle consolation!

Par Mohammed Ould Boah
Le 05/05/2023 à 12h27