Investissements au Sahara: le contraste entre les USA et l’UE mis en lumière par une experte américaine

La porte d’entrée de Laâyoune - Yassine Benkirane.

Porte d’entrée de Laâyoune - Yassine Benkirane.

Revue de presseL’analyste Sarah Yerkes (Carnegie Endowment for International Peace) met en lumière le contraste entre le pragmatisme américain et la prudence européenne face aux investissements dans les provinces du sud du Royaume. Si Washington vise des retombées économiques directes pour ses investisseurs, l’UE reste guidée par la nécessité de concilier les positions divergentes de ses États membres. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Assabah.

Le 12/10/2025 à 18h30

Le Sahara marocain, longtemps au cœur de tensions diplomatiques régionales, devient aujourd’hui un terrain d’expérimentation pour les politiques économiques étrangères. Alors que les États-Unis ont récemment décidé d’encourager l’investissement dans les provinces du sud du Maroc, l’Union européenne adopte une approche plus prudente, marquée par la nécessité de concilier les positions divergentes de ses États membres.

Ce contraste illustre non seulement les différences de stratégie entre Washington et Bruxelles, mais soulève également la question de l’impact réel de ces investissements sur les populations locales et sur le conflit autour du Sahara.

Dans un entretien accordé au quotidien Assabah et publié dans son édition de ce lundi 13 octobre, Sarah Yerkes, chercheuse principale au sein du programme Moyen-Orient de la Carnegie Endowment for International Peace, livre son analyse sur les implications économiques et politiques de ces initiatives. Selon elle, ces deux approches reflètent des logiques fondamentalement différentes.

«La décision américaine reflète clairement le positionnement de l’administration Trump, annoncée en décembre 2020, qui reconnaît la souveraineté du Maroc sur son Sahara», a expliqué Yerkes. «C’était un changement radical dans la politique étrangère américaine, mais il est important de noter que peu de mesures concrètes ont été mises en œuvre pour traduire cette reconnaissance en actions sur le terrain», a-t-elle aussi indiqué.

Pour l’experte, l’encouragement des investissements américains dans le sud du Maroc constitue avant tout un instrument pratique pour matérialiser ce positionnement diplomatique. «La stratégie de Washington s’inscrit dans une logique qui privilégie l’investissement privé plutôt que l’aide traditionnelle ou la diplomatie classique», a-t-elle précisé.

En revanche, l’Union européenne adopte une approche beaucoup plus prudente. «L’UE est une entité multilatérale, et ses États membres n’ont pas tous la même position sur la question du Sahara. Cette diversité oblige l’Union à modérer ses décisions et à adopter une approche prudent», a noté Yerkes.

Cette prudence contraste avec le pragmatisme américain, mais elle est également liée aux structures mêmes de décision au sein de l’UE, où les politiques extérieures doivent composer avec des intérêts divergents des États membres.

La chercheuse estime que l’engagement économique américain ne devrait pas pousser automatiquement l’Europe à devenir un investisseur majeur dans la région. «L’objectif de l’administration Trump n’était pas de provoquer un changement de position au sein de l’UE, mais de générer des bénéfices économiques pour les États-Unis. C’est une décision pragmatique qui favorise avant tout les investisseurs américains», a souligné Yerkes.

Elle précise également que les effets concrets de cette politique restent difficiles à évaluer. «Bien que le sous-secrétaire d’État américain Christopher Landau soutienne les investissements du secteur privé dans la région, il faudra un véritable effort pour que ces encouragements se traduisent par des projets concrets sur le terrain», a-t-elle ajouté.

Interrogée sur le potentiel de ces investissements pour transformer le conflit autour du Sahara en un projet de développement économique, Yerkes se montre prudente. «Certes, ils renforcent le soutien des États-Unis à la position marocaine, mais ils ne permettent pas de dépasser l’impasse politique et ne motivent pas les parties à reprendre les négociations», a-t-elle expliqué.

Pour Yerkes, la décision de promouvoir l’investissement privé américain dans le sud du Maroc s’inscrit dans la continuité d’une politique américaine de coopération économique avec le Maroc, amorcée notamment avec l’Accord de libre-échange, le premier du genre en Afrique.

«Avant 2020, il existait des restrictions sur l’engagement américain dans le Sahara, que ce soit dans le commerce ou l’aide. Les déclarations du sous-secrétaire Landau ont simplement indiqué que ces restrictions n’étaient plus d’actualité», a-t-elle conclu.

Par La Rédaction
Le 12/10/2025 à 18h30