Enseignants-stagiaires: le ras-le-bol de l'Etat

Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement répondant aux questions orales des parlementaires, le 14 juin.

Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement répondant aux questions orales des parlementaires, le 14 juin. . Mehdi-Le360

Un fait sans précédent depuis l’adoption de la nouvelle Constitution: le Chef de gouvernement prend la décision d’interdire une manifestation publique et la justifie dans un communiqué au ton ferme. Pour l’Exécutif, il était grand temps de taper du poing sur la table. Eclairage.

Le 12/04/2016 à 21h32

Fait inédit depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de juillet 2011: le Chef de gouvernement prend la décision d’interdire une manifestation, le fait par écrit et prend le temps d’en expliquer les motivations. C’est ce qui vient d’arriver ce mardi avec le communiqué de Abdelilah Benkirane interdisant la marche prévue le 14 avril par la coordination des enseignants-stagiaires.

Le Chef de gouvernement explique comment les concernés ont refusé toutes les offres présentées par l’Exécutif avec toutes les garanties qui leur ont été fournies.

Dès lors, pour Abdelilah Benkirane, il ne s’agit plus des revendications de quelques milliers d’enseignants en formation (qui ont perdu d’ailleurs six mois), mais d’une grave récupération politique par «certaines parties» -il ne nomme pas Al Adl Wal Ihsane, ni Annahj Addimocrati- pour attiser la situation et semer le désordre et le trouble, quitte à entrer en confrontation avec les forces de l’ordre.

Le mouvement des enseignants-stagiaires a fini par devenir un fourre-tout. Et les slogans scandés ces derniers temps dans la rue démontrent bien que la récupération est en bonne marche pour dévier les revendications du champ du travail vers l'instrumentalisation politique.

Une chose inacceptable dans un Etat de droit régi par la loi. Et ceux qui connaissent le chef de gouvernement savent très bien qu’il est soucieux de ce qu’il appelle la «hiba» de l’Etat.

On ne joue plus!Le message de Abdelilah Benkirane est clair. Pour le gouvernement, toutes les pistes pour résoudre ce problème ont été épuisées. La dernière (7.000 embauches en juillet 2016 et 3.000 en janvier 2017) est à prendre ou à laisser. A maintes reprises, le gouvernement a aussi donné les garanties nécessaires pour que l'Etat respecte cet engagement, indépendamment de la majorité qui sera issue des législatives d'octobre.

Les enseignants-stagiaires ont refusé, mais il n’est plus question d’investir la rue pour d’autres visées et d’autres agendas.

La décision de Abdelilah Benkirane est une décision politique et son message est clair: on ne peut plus permettre à une catégorie socioprofessionnelle de faire chanter un Etat et ses institutions.

C’est une décision politique qui implique une décision administrative et qui est cette fois du ressort du ministère de l’Intérieur auquel il revient de prendre les dispositions nécessaires pour la faire appliquer.D'ailleurs, un communiqué du ministère de l'Intérieur a été publié quelques heures à peine après celui signé par Benkirane. Dans ce communiqué, le ministère de l'Intérieur précise qu'il veillera "à l'application de la stricte interdiction de la manifestation des enseignants-chercheurs prévue le 14 avril à Rabat". Le département de Hassad exhorte les initiateurs de la manifestation à "s'abstenir de toute tentative de porter atteinte à la sécurité et à l'ordre public".

Il est grand temps que les enseignants-stagiaires reprennent leurs cours. Car, avec tous les maux de notre système éducatif, y injecter 10.000 enseignants presque sans formation est un autre danger qui menace l’avenir des enfants de ce pays. 

Par Mohammed Boudarham
Le 12/04/2016 à 21h32