The Left, groupe de la gauche radicale européenne réunit 47 députés de 13 États membres, quasi tous issus d’Europe de l’Ouest et du Sud -hors un élu de Tchéquie. Parmi les nouveautés 2024, la perte d’Emmanuel Maurel, rare député français modéré et constructif pour l’Euro-Méditerranée, et l’adhésion de deux élus italiens fortement médiatisés, l’une, pour avoir éprouvé les geôles hongroises, l’autre, ex-maire calabrais, condamné par la justice de son pays pour une politique pro-migrants illégale. Les effectifs du groupe grimpent, à quelques jours de la rentrée parlementaire, avec l’arrivée de 8 élus italiens du Mouvement Cinq Étoiles. Si ces anciens alliés gouvernementaux de Matteo Salvini auront à subir une période probatoire de 6 mois -durant laquelle ils sont sommés de donner à leurs nouveaux acolytes des gages d’antifascisme-, leur renfort fait de l’Italie la première délégation nationale du groupe, devant la France et ses 9 élus de La France Insoumise.
À noter, le score spectaculaire de The Left en Finlande, avec plus de 17% -soit la deuxième force du pays- et dans une moindre mesure, en Suède, avec 10,9%; des résultats dus à un discours offensif sur les deux guerres, en Ukraine et à Gaza. En France également, le choix des Insoumis de mettre la question palestinienne au cœur de leur campagne a été finalement facteur de succès. C’est d’ailleurs une parlementaire LFI qui vient d’être réélue coprésidente du groupe, Manon Aubry, en tandem avec un député allemand de Die Linke, Martin Schirdewan. Ce couple franco-allemand présidait déjà The Left depuis 2019.
Si Aubry est renouvelée pour cinq ans, Schirdewan, lui, cédera sa place à l’eurodéputé grec Arvanítis pour la seconde moitié du mandat… tous trois étaient membres de l’intergroupe «Sahara occidental» dans la mandature 2019/2024! Par ailleurs, et auparavant, Schirdewan était directeur du bureau bruxellois de la Fondation Rosa Luxembourg, laquelle collabore avec Western Sahara Resource Watch, une ONG dont l’unique objet est de dénoncer les entreprises internationales travaillant au Sahara. Au-delà du profil partisan des coprésidents, il faut noter que le tiers du groupe milite expressément pour le Front Polisario à travers l’intergroupe ad hoc: 21 élus Left sur les 59 membres du précédent mandat. Pour la seule délégation espagnole, qui accueille pour la période 2024/2029 six élus d’une extrême gauche plurielle (Podemos, Izquierda Unida et Anticapitalistas), quatre sont des adhérents sortants de l’intergroupe.
Parallèlement au travail de l’intergroupe, The Left saisit toutes les opportunités de l’agenda parlementaire pour cibler le Maroc, via ses orateurs les plus nuancés, du «tyran marocain» évoqué par Manu Pineda dans le débat sur la résolution de juin 2021 «sur la violation de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et l’instrumentalisation des mineurs par les autorités marocaines dans la crise migratoire à Ceuta», à Miguel Urbán Crespo interpellant ses collègues en janvier 2023, lors des débats sur la «résolution Radi»: «l’Europe ne peut pas continuer à se rendre complice de la violation des droits de l’homme et de la liberté d’information ou de l’occupation du Sahara.» Intergroupe, résolutions, questions écrites… tous les outils parlementaires sont mobilisés. Même le Prix Sakharov est l’occasion pour The Left de manifester son soutien aux revendications du Polisario!
Ce n’est évidemment pas sur ce bilan que la gauche de la gauche attire la sympathie d’un électorat binational, au Maroc comme en Europe. Il n’empêche… il n’est pas rédhibitoire! Pour combien de temps? À l’occasion des élections législatives françaises, une photo de Rima Hassan posant entre deux activistes pro-Polisario circulait, interrogeant l’électorat binational de Jean-Luc Mélenchon. Le natif de Tanger a tenté de balayer les doutes sur une complicité qui se matérialise pourtant ouvertement à Bruxelles, en répondant… à côté: «Il n’existe aucune relation institutionnelle du mouvement insoumis avec qui que ce soit d’autre que les partis de la démocratie marocaine. Tout le monde comprend?»
Comprenne qui pourra! Les rapports d’activités des eurodéputés sont publics.