L’Afrique atlantique réunit 23 pays, du Cap Spartel au nord jusqu’au Cap de Bonne-Espérance au sud. Cette mosaïque de nations aux cultures, régimes politiques et économies contrastés reste traversée par des fractures profondes: écarts de PIB vertigineux (de 0,6 milliard à 378 milliards de dollars), côtes maritimes inégalement réparties, appartenances régionales multiples.
Pourtant, un socle d’intérêts partagés émerge: essor du commerce maritime, valorisation des ressources halieutiques, transition énergétique et sécurisation des routes maritimes. À l’heure où les tensions en mer Rouge et dans la Corne de l’Afrique redéfinissent les flux mondiaux, l’Atlantique africain apparaît comme une route alternative et durable entre l’Asie et l’Occident.
Le Maroc, catalyseur et pivot
Dans son Policy Paper, intitulé «Le Maroc dans la cartographie de l’Afrique atlantique: la communauté d’intérêts neutralise les paradoxes», Abdelhak Bassou souligne que le Maroc dispose d’atouts uniques pour impulser cette dynamique: crédibilité diplomatique, investissements massifs en Afrique de l’Ouest, rôle de promoteur d’un islam modéré et position géographique reliant naturellement l’Europe et l’Afrique.
La dimension territoriale est centrale. En ancrant les provinces du Sud dans un projet continental, Rabat renforce sa cause nationale: sur les 23 États concernés, une majorité ne reconnaît plus le Polisario ou a même ouvert des consulats à Dakhla et Laâyoune.
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L’Atlantique africain est une mer de promesses, mais aussi de périls: trafics de drogues, migration clandestine, piraterie dans le golfe de Guinée et extrémisme violent menacent la stabilité de la région et exposent l’Europe voisine. La lutte contre ces phénomènes exige des mécanismes de coopération collective, capables d’échanger des renseignements, de sécuriser les ports et de coordonner les patrouilles maritimes.
L’auteur préconise une approche progressive: création d’un secrétariat permanent léger, conseils ministériels sectoriels, projets concrets à bénéfices rapides (corridors logistiques, mise en réseau des ports, programmes d’économie bleue) et un noyau euro-africain 3+3 (Maroc–Mauritanie–Sénégal/Espagne–Portugal–France) comme moteur initial. Objectif: éviter la fermeture isolationniste comme l’instrumentalisation idéologique du «Sud global».
Si elle réussit, l’initiative pourrait transformer l’Atlantique africain en pôle géoéconomique majeur, redéfinissant les relations Afrique–Europe sur des bases d’équité et de réciprocité, tout en donnant au continent une voix collective dans les grands arbitrages mondiaux. Son succès dépendra toutefois d’un leadership marocain inclusif et rassurant, capable de convaincre aussi bien les «petits poucets» économiques que les géants régionaux, que ce projet dépasse l’ambition de puissance pour devenir une véritable communauté d’intérêts face aux défis globaux.








