La nouvelle loi sur l’immigration votée par le parlement français frise le racisme et la haine.
Si vous voulez vous faire humilier par un petit fonctionnaire qui aura à interpréter les données de cette loi, à la frontière ou à la préfecture de police, renoncez à votre projet de mettre les pieds dans un pays qui se déclare officiellement hostile à toute immigration et qui rend la vie des immigrés légalement installés en France assez problématique.
Le 19 décembre 2023, la nouvelle loi sur l’immigration a été votée par 349 députés, dont 88 appartenant au parti d’extrême droite de Marine Le Pen (le Rassemblement national), et 186 l’ont rejetée. C’est un drame politique qui fait mal à la France, pays qui fait de l’immigration son principal problème.
Macron vient de faire une grande concession à la droite et à son extrême. On savait qu’il n’était ni de droite ni de gauche. À présent, les choses sont claires. Macron est un président de la droite dure. Qu’avait-il à gagner en poussant ses partisans et au-delà à faire voter cette loi impitoyable pour les étrangers, qu’ils soient travailleurs ou étudiants? On ne comprend pas cet acharnement sur l’immigration en général.
Macron a rompu avec la France traditionnellement «terre d’asile» et éventuellement «terre des droits de l’homme». Il a rejoint certains pays européens qui n’hésitent pas à pratiquer fermeture et nostalgie fasciste.
Le droit du sol a été aboli. À présent, avec cette loi, un enfant né en France de parents étrangers, doit attendre ses 16-18 ans pour demander la nationalité française (et il n’est pas sûr qu’il l’obtienne). Jusqu’à cet âge-là, il sera considéré comme un étranger dans le pays où ses parents sont venus vivre et travailler. C’est une discrimination manifeste pour une jeunesse qui a déjà du mal à trouver sa place dans cette France qui ne la reconnaît pas et qui ne s’intéresse à elle qu’en cas de malheur.
Le regroupement familial, qui avait été instauré par le gouvernement de Jacques Chirac en 1975, a été durci. Il est devenu compliqué. Pour qu’un étranger en situation légale puisse faire venir sa femme et ses enfants, il faut qu’il soit résident en France durant 24 mois, qu’il ait des ressources «stables, régulières et suffisantes», dispose d’une assurance maladie, et que l’âge minimal du conjoint soit de 21 ans.
La préférence nationale fait partie de cette loi. On préférera un Français à un étranger pour un travail, encore faut-il qu’il l’accepte.
Les étudiants étrangers (surtout les extracommunautaires) doivent payer, en plus des frais de scolarité, une caution pour pouvoir s’inscrire dans une université. Déjà, l’entrée à la Faculté de Sciences politiques exige 20.000 euros par an; et si l’étudiant entame un master, il faut qu’il débourse la somme de 30.000 euros.
La France a de tout temps accueilli des étudiants venus principalement de ses anciennes colonies. Aujourd’hui, cet accueil est devenu payant, et même en réglant les sommes demandées, il n’est pas sûr d’être accepté.
Restriction, esprit de fermeture, oubli de ce que les étrangers ont apporté à la France, sans parler de certains grands-parents de ces étudiants d’aujourd’hui, qui avaient combattu aux côtés des Français pour la libération de ce pays. C’est le cas notamment des Africains, des Maghrébins en particulier.
L’aide médicale de l’État a été revue. Ne peut être soigné en France que le malade qui n’a pas de traitement approprié dans son pays.
Les prestations sociales seront accordées selon la durée de résidence en France: 30 mois pour les allocations familiales, l’aide au logement ou les prestations pour les handicapés.
Tout ce que l’extrême droite réclamait, Macron vient de le lui offrir. La droite traditionnelle est satisfaite. Quant à la gauche, elle n’a que ses yeux pour pleurer une telle régression où le racisme pointe son nez. Car tout cela concerne en particulier les Arabes et les musulmans. Les étrangers venus de pays occidentaux seront toujours les bienvenus.
Au moment où le parlement votait cette loi indécente, qui contrarie toutes les valeurs des droits de l’homme en tant qu’étranger (réfugié, exilé ou simple travailleur immigré) au moment où l’extrême droite fête sa victoire et se prépare à entrer en 2027 à l’Élysée, paraît un dictionnaire superbe: «Ces étrangers qui ont fait la France» (Robert Laffont). Sur la couverture, on reconnaît Marie Curie (Prix Nobel), Romain Gary, écrivain, Charles Aznavour (chanteur), Nouriev (danseur), Samuel Beckett (Prix Nobel), Van Gogh (qui a travaillé à Anvers-sur-Oise et s’y est donné la mort), Nathalie Sarraute et même Picasso, qui a vécu une grande partie de sa vie en France, sans jamais avoir réussi à obtenir la nationalité française, mais peu de gens le savent.
La réputation de la France, déjà en mauvaise posture, va être entachée par cette loi défendue par un gouvernement impopulaire (surtout le ministre de l’Intérieur). Les étudiants qui, jusqu’à ces dernières années, étaient des «ambassadeurs» de la francophonie et de sa culture ne viendront plus dans le pays de Voltaire et de Montaigne. Quant aux travailleurs, tôt ou tard, par colère et dignité, ils iront chercher ailleurs un pays qui les respectera et qui reconnaîtra tout ce qu’ils apportent à son économie. Déjà, beaucoup de secteurs ne trouvent plus d’ouvriers, étant donné que les Français de souche ne veulent pas pratiquer certains métiers.
Un petit exemple en cet hiver: sans l’arrivée des cueilleurs marocains, la clémentine corse resterait dans l’arbre. Le Point écrit: «Sans eux (les Marocains saisonniers), il n’y aurait sans doute pas de clémentine sur les tables de Noël. Ce commentaire, sous forme de boutade, de cet exploitant agricole de la plaine orientale de la Corse, en dit suffisamment sur le rôle clé de ces cueilleurs, à l’heure où la récolte bat son plein».
Quelqu’un a suggéré que tous les immigrés arrêtent de travailler juste une journée. Une journée pour montrer aux Français pourquoi ils sont là et l’importance de leur apport. Ce serait une bonne chose. Mais ils ne sont pas organisés pour faire cette grève.
C’est une bien amère victoire pour M. Macron. Elle ne lui servira même pas, parce qu’il n’a plus le droit de se représenter aux élections présidentielles. Mais peut-être apparaîtra-t-il comme un président fort qui veut montrer qu’il est capable de suivre les fantasmes d’une France qui stigmatise l’immigration au lieu de soigner ses problèmes spécifiques, dus à une situation qui n’a rien à voir avec les immigrés, lesquels travaillent durement, payent leurs impôts et se font insulter par une telle hostilité politique.