Des dizaines de milliers de personnes ont tenté de fuir l'Afghanistan depuis la prise de pouvoir dimanche dernier du mouvement islamiste radical, après une campagne militaire expéditive qui lui a permis en dix jours d'entrer dans la capitale.
Ces Afghans, qui se souviennent encore de leur précédent régime, entre 1996 et 2001, et leur bilan catastrophique en matière de respect des droits humains, n'ont aucune confiance dans les multiples assurances données ces derniers jours par les talibans.
Ceux-ci ont cherché à se présenter sous un jour bien plus bienveillant, promettant de ne pas chercher à se venger et disant même avoir gracié les anciens responsables gouvernementaux. Mais pour nombre d'Afghans comme pour la communauté internationale, la méfiance reste de mise.
Si les talibans laissent bien les citoyens américains accéder à l'aéroport de Kaboul, il semble qu'ils "empêchent les Afghans qui souhaitent quitter le pays d'atteindre l'aéroport", a déploré Wendy Sherman, la numéro deux du département d'Etat américain.
Les Etats-Unis attendent d'eux "qu'ils permettent à tous les citoyens américains, tous les ressortissants de pays tiers et tous les Afghans de partir s'ils le souhaitent, de façon sûre et sans être harcelés", a-t-elle ajouté.
Le triomphe des talibans avait déclenché une panique monstre à l'aéroport de Kaboul. Une marée humaine s'était précipitée lundi vers ce qui est la seule porte de sortie de l'Afghanistan.
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Les Etats-Unis ont envoyé 6.000 militaires pour sécuriser l'aéroport de Kaboul et faire partir quelque 30.000 Américains et civils afghans ayant travaillé pour eux et craignant pour leur vie.
L'armée américaine a déjà évacué plus de 3.200 personnes, notamment du personnel américain, et près de 2.000 réfugiés afghans. D'autres pays occidentaux, dont la France et le Royaume-Uni, ont aussi procédé à des évacuations.
"Nombreuses différences"Très critiqué aux États-Unis et à l'étranger pour sa gestion du retrait des troupes américaines après 20 ans de guerre, jugé précipité, le président Joe Biden a estimé hier, mercredi, qu'une certaine forme de "chaos" était de toute manière inévitable.
Mardi, un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, avait assuré qu'ils avaient appris de leur premier exercice du pouvoir, avant d'en être chassés en 2001 par une coalition menée par les Etats-Unis, et qu'il y aurait de "nombreuses différences" dans leur manière d'administrer leur pays.
Ils avaient alors imposé une version ultra-rigoriste de la loi islamique. Les femmes ne pouvaient ni travailler ni étudier, et voleurs et meurtriers encouraient de terribles châtiments.
Mais tout le monde n'est pas convaincu qu'ils ont changé. "Je cherche désespérément à partir", avait ainsi confié à l'AFP mercredi un trentenaire afghan ayant travaillé pour une ONG allemande.
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"Hier (mardi), je suis allé à l'aéroport avec mes enfants et ma famille, les talibans et les Américains tiraient sur les gens, mais, malgré ça, ils continuaient d'avancer parce qu'ils savaient qu'une situation pire que la mort les attendait dehors", avait-il raconté.
Se présentant comme plus modérés, les talibans semblent recevoir un accueil international moins hostile qu'il y a deux décennies lorsque seuls trois pays (Pakistan, Emirats arabes unis, Arabie saoudite) avaient reconnu leur régime, bien que personne ne soit encore allé jusque-là pour l'instant.
Consultations politiquesLa Chine, la Russie, la Turquie et l'Iran leur ont lancé des signaux d'ouverture. Mais les pays occidentaux, l'Allemagne, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni notamment, sont plus réticents et attendent de juger "sur les actes".
Les talibans, dont le cofondateur et numéro deux, le mollah Abdul Ghani Baradar, est rentré mardi dernier en Afghanistan, ont mené des consultations politiques mercredi à Kaboul avec d'éminentes personnalités afghanes.
Ils ont diffusé des images montrant l'ancien président afghan Hamid Karzai avec Anas Haqqani. Celui-ci participait aux négociations avec le gouvernement afghan à Doha, qui n'ont jamais débouché sur une issue quelconque.
Mais il est surtout le frère cadet de Sirajuddin Haqqani, le chef du réseau éponyme, qualifié de terroriste par Washington, qui a aussi le statut de numéro deux au sein des talibans.
Ces derniers ont également rencontré l'ancien vice-président Abdullah Abdullah, selon le groupe de surveillance des sites islamistes SITE.
Ces négociations ont été bien accueillies par l'ex-président Ashraf Ghani, qui s'est enfui dimanche dernier pour les Emirats arabes unis. "Je souhaite le succès de ce processus", a-t-il déclaré dans un message vidéo posté sur Facebook, affirmant être "en pourparlers pour retourner en Afghanistan".
Mais les Etats-Unis ont estimé qu’Ashraf Ghani, qui avait succédé en 2014 à Hamid Karzai, n'est "plus une personne qui compte en Afghanistan".