«La crise économique et sociale qui mine l’Algérie pousse des milliers de personnes à tenter la traversée vers l’Europe, quels que soient les risques», explique en préambule la présentatrice du journal télévisé diffusé le 11 octobre 2021 sur Arte.
En effet, depuis janvier 2021, ils seraient «près de 15.000 Algériens» à avoir pris la mer pour rejoindre les côtes andalouses et «près de 500 y ont perdu la vie», poursuit la journaliste en expliquant que ces «chiffres dépassent tout ce que l’observatoire international d’immigration avait pu observer jusqu’ici».
Pour mieux se rendre compte de cette situation humanitaire catastrophique, qualifiée d’«hécatombe», des journalistes d’Arte se sont rendus dans la ville andalouse d’Almeria pour aller à la rencontre de migrants algériens, mais aussi d’acteurs espagnols qui tentent d’aider les familles restées en Algérie à retrouver leurs proches.
«Quand les garde-côtes d’Almeria rentrent au port, c’est de plus en plus souvent avec des dépouilles repêchées en mer, celles de migrants algériens», est-il ainsi expliqué. Cette route de tous les dangers, ils sont pourtant de plus en plus nombreux à l’emprunter. Francisco Jose Clemente, qui documente ce drame humain depuis deux ans, explique à cet égard que «le trajet le plus court fait 150 km entre Oran et Almeria». Une distance qui pourrait paraître suffisamment courte pour pouvoir être franchie. Mais, poursuit l’Espagnol qui aide aujourd’hui les familles algériennes à retrouver leurs proches disparus en mer, «quand vous êtes en pleine mer, dans cette zone, la houle est très forte. On ne s’en rend pas compte d’ici, mais à 30 miles de la côte, les vagues sont très fortes».
«En Algérie, il n’y a ni travail, ni avenir»Malgré le danger, depuis le début de l’année 2021, des milliers de migrants empruntent la route algérienne qui sépare Oran d’Almeria, apprend-on dans ce reportage qui pointe du doigt la crise politique désastreuse du régime et la situation économique qui rendent l’Algérie invivable pour de nombreux Algériens.
Devant la caméra d’Arte, Mohammed, Algérien de 23 ans, explique être «resté quatre jours en mer», avant d’être sauvé par des garde-côtes. «En Algérie, il n’y a ni travail, ni avenir. Même si tu travailles tu n’as pas d’argent, à peine de quoi manger. Ici on est venus pour avoir une meilleure vie. Que Dieu nous aide», déclare ce survivant qui a dû braver une forte houle et vaincre sa peur avant d’avoir la chance d’être secouru.
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Car tous ne connaissent pas le même sort que Mohammed. Depuis janvier, ils sont ainsi 430 à avoir trouvé la mort en mer. «Deux fois plus qu’en 2020» apprend-on. Autre nouveauté, si d’habitude «la plupart des arrivants algériens sont des hommes jeunes», explique Francisco Vicente, coordinateur de la Croix-Rouge Almeria, «ces derniers mois, on a commencé à accueillir des femmes, des enfants et même des familles entières qui ont traversé la mer depuis l’Algérie sur des petits bateaux», poursuit-il, depuis l’un des centres d’accueil de la Croix-Rouge, aujourd’hui débordés par ce nouveau public.
Face à des administrations qui gardent le silence, les ONG tentent tant bien que mal d’aider les familles algériennes restées au pays à retrouver leurs proches, en lançant des avis de recherche sur les réseaux sociaux. Ce jour-là, Francisco Jose Clemente poste la photo des tatouages d’un corps sans vie échoué sur la plage. «On a retrouvé le corps sur une plage et on cherche toujours sa famille», explique le jeune homme.
«2021 est déjà l’année la plus meurtrière sur la route algérienne et le bilan risque de s’alourdir car la fin de l’été est la période où les migrants sont les plus nombreux à prendre la mer», conclut le reportage sur une note dramatique.