Vidéo. Dans l’impasse, le régime algérien met la menace terroriste et l’ennemi extérieur à toutes les sauces

Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle en exil.

Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle en exil. . DR

Une nouvelle fois, le ministère algérien de la Défense brandit la menace du terrorisme et de la main étrangère pour faire face à la contestation populaire, en accusant le MAK (Mouvement d'autodétermination de la Kabylie) d’islamo-terrorisme. A bout de souffle, le régime algérien multiplie les gesticulations qui trahissent une agonie.

Le 27/04/2021 à 13h47

Dans un communiqué publié dimanche 25 avril 2021, le ministère algérien de la Défense affirme avoir démantelé «une cellule criminelle composée de partisans du mouvement séparatiste 'MAK' (Mouvement d'autodétermination de la Kabylie, Ndlr), impliqués dans la planification d'attentats et d'actes criminels lors des marches et des rassemblements populaires dans plusieurs régions du pays, en sus de la saisie d'armes de guerre et d'explosifs destinés à l'exécution de ses plans criminels». Toujours, selon ce communiqué, ces présumés plans ont «levé le voile sur l'implication de plusieurs membres du mouvement séparatiste 'MAK', ayant bénéficié d'entrainements au combat à l'étranger avec le financement et le soutien de pays étrangers».

Pour en savoir un peu plus sur ce mot d’«étranger», qui apparaît deux fois au détour d’une même phrase du communiqué militaire, il suffit de se rabattre sur les journaux proches des services de renseignements algériens. Ainsi, on apprend que le MAK, (Mouvement d'autodétermination de la Kabylie), aurait scellé une alliance avec le mouvement islamiste algérien de Rachad, grâce à une bénédiction des autorités turques. Même si le mouvement dirigé par l’artiste-chanteur Ferhat Mehenni a été accusé par le passé d’être laïc, voire athée, il est cette fois-ci accusé de vouloir «islamiser la Kabylie». Pour ce faire, on insinue qu’avec des fonds venus de France et de Grande-Bretagne, un ancien membre du Front islamique du salut achèterait des armes en Allemagne au profit du duo Rachad-MAK, et les acheminerait au Maroc où le MAK s’entraînerait.

A travers ce que le communiqué appelle une «dangereuse conspiration ciblant l’Algérie», le MAK est accusé de vouloir déclencher une nouvelle «guerre civile», sur la foi des «aveux» de son «militant», H. Noureddine, aux mains des services de renseignements militaires depuis fin mars dernier.

Pour rappel, quelques jours seulement après la nomination du général-major Mohamed Saleh Benbicha, installé comme nouveau secrétaire général du ministère de la Défense, le 15 mars dernier, en remplacement de général-major Abdelhamid Ghris, cinq individus ont été arrêtés à Alger et accusés d’avoir tenté de commettre des actes terroristes contre les… marcheurs du Hirak. Quatre d’entre eux ont été libérés et placés sous contrôle judiciaire, alors que le cinquième, H. Noureddine, qui vient juste de faire des «aveux» sur le MAK plus d’un mois après son arrestation, était resté entre les mains de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dirigée par le général Abdelghani Rachedi.

Des aveux qui ne sont pas sans rappeler ceux de «Abou Dahdah» à la télévision publique algérienne, ou les maladresses du régime sur la tentative de retrait de la nationalité aux opposants algériens de la diaspora, les mandats d’arrêt internationaux contre ces mêmes opposants et dont aucun pays n’a tenu compte… Des actes de diversion, où le pouvoir, tout en faisant semblant de vouloir protéger le Hirak «béni», tente en fait de trouver un moyen de l’écraser.

Mais il n’est pas à écarter que cette nouvelle diversion du pouvoir vert-kaki aurait pour objectif de cacher aux Algériens la catastrophique gestion de la scandaleuse affaire du chef du Polisario, Brahim Ghali, découvert hospitalisé en catimini en Espagne, sous le faux nom de Mohamed Benbatouche et avec un passeport (diplomatique) algérien. Or, au moment où les séparatistes algériens sont accusés de terrorisme, les dirigeants des séparatistes sahraouis, eux, ont droit aux mêmes égards que le président algérien (avion médicalisé, soins à l’étranger, passeports VIP et… impunité).

Toutes ces manœuvres du pouvoir algérien sont en réalité symptomatiques de la grave crise multiforme que vit le pays, empêtré dans les pénuries et les flambées des prix des produits de première nécessité, les grèves des postiers, des agents de la protection civile, des enseignants… Le pays est au bord de l’implosion et les autorités, incapables de faire face à la crise, ont lancé une campagne dans tous les médias aux ordres pour demander aux Algériens de manger moins, prétextant que des milliers de denrées alimentaires sont jetées dans les poubelles. Pour les autorités algériennes, si les prix des produits de première nécessité ont flambé, c’est la faute aux Algériens qui auraient les yeux plus gros que le ventre. Pourtant ce régime sait que s’il y a une chose que le peuple veut jeter dans les poubelles, ce sont bien les généraux, comme le crient chaque semaine les manifestants.

La tentative de diabolisation du MAK participe de la même stratégie que celle appelant les Algériens à moins remplir les poubelles. Le ministère algérien de la Défense, supposé être factuel, précis et rationnel est en train de se transformer en officine complotiste. Il accuse à tout-va sans apporter la moindre preuve matérielle. Ce qui dénote de l’agitation qui règne dans les rangs des généraux.

D’ailleurs, le fondateur du MAK, Ferhat Mehenni, a réagi au communiqué du ministère algérien de la Défense, balayant d’un revers de la main les accusations farfelues de terrorisme et le mettant «au défi» de fournir la preuve de ses accusations. Il rappelle que le MAK est un mouvement pacifique et met en garde contre toute future action violente, prétendument attribuée aux Kabyles, alors qu’elle est l’œuvre de la junte militaire

Le régime algérien est dans une impasse. Les élections législatives, voulues par le président illégitime Abdelmadjid Tebboune, comme une panacée aux maux du pays suscitent zéro intérêt. Le Hirak crie à tue-tête «makayn intikhabates maa al issabates» (il n’y a pas d’élections avec les gangs). Conscient du peu d’engouement non seulement du peuple, mais également de candidats crédibles, pour les élections du 12 juin prochain, le président Tebboune a sorti, mercredi dernier, une ordonnance en vertu de laquelle la date limite du dépôt des dossiers a été prolongée jusqu’au mardi 27 avril, au lieu du jeudi 22 avril. Est-ce que l’épouvantail d’actions violentes, brandi par le ministère de la Défense, est un préambule à l’ajournement de ces élections qui s’acheminent vers un taux d’abstention record?

En tout état de cause, le régime algérien est dans une telle impasse qu’il ne se rend même plus compte qu’il est devenu la risée des chancelleries étrangères. Il ne passe pas une semaine sans qu’il ne désigne un pays, le Maroc, la Turquie, la France, «une puissance étrangère» comme responsables du Hirak, du manque d’huile de table, des caprices de la pomme de terre et du soudain ennoblissement de la sardine. Aujourd’hui, ce régime veut convertir des opposants pacifistes en terroristes. Personne n’y croit. Pas même les généraux.

Par Mohammed Ould Boah
Le 27/04/2021 à 13h47