Le moment est solennel, le jour «historique» et l’évènement célébré est présenté comme «un tournant décisif» dans la longue «lutte de la Kabylie pour recouvrer sa souveraineté». Ce jeudi 19 mai à Paris, le gouvernement provisoire kabyle (Anavad) et le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), présidés par Ferhat Mehenni, ont présenté le tout premier projet de Constitution de la Kabylie indépendante. C’était devant un public enthousiaste venu en nombre assister à une conférence suivie à distance aux quatre coins du monde.
«Nous décrétons par là avoir récupéré, par la paix, une liberté qui nous a été confisquée par la force en 1957 et une Kabylie débarrassée du colonialisme et de la dictature. Cette Constitution, c'est notre trophée à toutes et tous et notre arme pour écourter la nuit de l’oppression. Ce texte, c’est notre définition et notre façon de nous présenter au monde», a déclaré Ferhat Mehenni, fier, à cette occasion.
Fruit d’un travail de deux années et élaborée par une commission issue du parlement kabyle, cette Constitution sera soumise à débat public pour être adoptée en janvier 2023. Sa présentation ce jeudi est un symbole. «C’est le même 19 mai de l’année dernière que nous avons été classés comme organisation terroriste par le régime des généraux algériens», a ironisé le président du MAK. «Ecrite au XXIe siècle, cette Constitution devait être exemplaire et consacrer avant tout l’humain», a-t-il résumé.
Tenant compte des spécificités du peuple kabyle et inspiré notamment des modèles américain et suisse, le texte consacre le pluralisme, la démocratie, la séparation des pouvoirs, la laïcité, et le kabyle comme langue officielle. C’est ainsi qu’il proclame la Kabylie comme une République fédérale avec un Parlement (une première Chambre et un Sénat), un gouvernement et un président auxquels reviendront des fonctions régaliennes. La Kabylie indépendante sera également dotée d’un Conseil constitutionnel, d’un Haut Conseil à la sécurité, d’un Conseil économique, social et environnemental et d’un Haut Conseil à la magistrature, entre autres. La Kabylie sera ancrée dans son espace africain, méditerranéen et dans le monde, promettent les initiateurs du projet de loi fondamentale.
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Chacun des Etats fédérés, dont le nombre reste à déterminer, disposera de ses propres parlement, gouvernement et gouverneur.
Une lecture de quelques extraits de cette Constitution, faite au cours de cette cérémonie, révèle que la Kabylie sera une république laïque. La gestion des cultes relève du domaine privé et la liberté de culte y est garantie. La Constitution consacre également la démocratie, telle qu’universellement reconnue, qui sera une valeur fondamentale. L’égalité entre les femmes et les hommes est garantie, au même titre que la liberté d’opinion, de rassemblement et de grève, notamment.
Aux algériens, les Kabyles libres et indépendants tendent déjà la main. «Notre indépendance n’est nullement dirigée contre les Algériens. Au contraire, nous sommes vos frères et notre liberté retrouvée, qui pourra servir de modèle, est une façon de vous aider et de montrer la voie. Cette liberté sera comme un savoir-faire que nous vous transmettrons», a affirmé Ferhat Mehenni.
Cela n’empêche pas la Kabylie de s’attendre à une réaction hostile de la part de la junte algérienne. «La Kabylie indépendante aura tous les moyens de se défendre», a répliqué le président du MAK, sous les applaudissements. La couleur est d’ores et déjà annoncée. Et les généraux sont aujourd’hui l’objet de poursuites à la Cour pénale internationale pour génocide intenté contre le peuple kabyle. Ceci, suite aux incendies ravageurs ayant fait plus 500 morts l’été dernier en Kabylie et dont les responsables du gouvernement provisoire accusent le régime militaire algérien. «Je vous mets en garde contre toute tentative de récidive et j’espère que les Canadair affrétés par la junte en prévision de l’été prochain ne vont pas servir à mettre le feu à nos forêts au lieu de les éteindre», a de nouveau ironisé Mehenni à l'adresse du pouvoir algérien.