Ces opérations judiciaires, rares lorsqu’elles visent une ministre en exercice, marquent une nouvelle étape dans un dossier sensible mêlant soupçons financiers, responsabilités politiques et calendrier électoral chargé.
La ministre, par ailleurs candidate à la mairie de Paris, est soupçonnée d’avoir perçu 299.000 euros d’honoraires du groupe industriel français GDF Suez quand elle était députée européenne, sans en déclarer la provenance au Parlement européen. Les faits visés remontent à la période 2010-2011, alors que Rachida Dati siégeait à Strasbourg et à Bruxelles, tenue à des obligations strictes de transparence destinées à prévenir les conflits d’intérêts.
L’enquête est ouverte «notamment des chefs de corruption active et passive, trafic d’influence, détournement de fonds publics, recel et blanchiment de ces délits en lien avec l’exercice du mandat de parlementaire européen de Madame Rachida Dati», a écrit le procureur de la République financier, Jean-François Bohnert, dans un communiqué. La gravité et la diversité des qualifications retenues témoignent de l’ampleur des soupçons examinés par la justice financière.
Il y est fait mention jeudi d’«opérations de perquisition visant divers lieux, dont notamment la mairie du 7e arrondissement de Paris et le ministère de la Culture, ainsi que des domiciles». Ces investigations ont été conduites simultanément afin de saisir documents, supports numériques et éléments comptables susceptibles d’éclairer les flux financiers incriminés.
Ces perquisitions s’inscrivent dans le cadre d’une enquête ouverte le 14 octobre et confiée à deux juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris, toujours selon ce communiqué, confirmant des informations de presse. L’ouverture d’une information judiciaire marque un changement de phase, traduisant l’existence d’indices jugés suffisamment sérieux pour justifier des investigations approfondies sous le contrôle de magistrats instructeurs.
Tout est parti d’une enquête préliminaire conduite depuis le 16 avril «sur la base, notamment, d’un signalement Tracfin (renseignement financier, NDLR) reçu par le PNF (Parquet national financier)», explique Jean-François Bohnert. Tracfin, service spécialisé dans la lutte contre le blanchiment et la fraude, joue un rôle central dans la détection de flux financiers atypiques impliquant des responsables publics.
Une cabale contre Rachida Dati
Me Olivier Pardo, un des avocats de Mme Dati, sondé par l’AFP, s’est refusé à tout commentaire. Ses autres conseils Ses autres conseils n’ont pas donné suite. Ce silence contraste avec la forte exposition médiatique du dossier, relancé par plusieurs enquêtes journalistiques ces derniers mois.
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Selon une enquête diffusée début juin sur la chaîne de télévision publique France 2, les fonds du géant français de l’énergie avaient transité par un cabinet d’avocats, STC Partners, avant d’être rebasculés sur les comptes de Mme Dati en 2010 et 2011. D’après l’émission «Complément d’enquête», l’origine de ces revenus n’a pas été déclarée au Parlement européen comme cela est requis pour éviter les conflits d’intérêt. La question centrale demeure celle de la réalité des prestations effectuées et de leur compatibilité avec un mandat électif européen.
La candidate à la mairie de Paris a qualifié ces accusations de «diffamatoires», assurant que les documents évoqués dans cette émission ont déjà «été examinés par la justice» dans le cadre des investigations sur l’affaire Carlos Ghosn. Elle conteste toute infraction et dénonce une instrumentalisation politique à l’approche des municipales.
Car Mme Dati est déjà renvoyée devant le tribunal correctionnel dans un autre dossier, pour corruption et trafic d’influence, dans lequel elle devra comparaître aux côtés de l’ancien tout-puissant patron de Renault-Nissan, Carlos Ghosn. Cette affaire distincte, mais juridiquement lourde, alimente les interrogations sur la trajectoire judiciaire de l’ancienne garde des Sceaux.
Le procès est fixé du 16 au 28 septembre 2026, soit six mois après les municipales prévues les 15 et 22 mars prochains. Un calendrier qui place la campagne parisienne sous la pression de développements judiciaires potentiellement déstabilisants.
M. Ghosn est établi au Liban depuis fin 2019 après une fuite rocambolesque du Japon et est visé depuis avril 2023 par un mandat d’arrêt. Son absence physique n’empêchera pas la tenue du procès, qui s’annonce comme l’un des grands rendez-vous judiciaires et politiques de l’après-municipales.












