Plus de 165.000 migrants afghans ont quitté le Pakistan pour rentrer dans leur pays depuis que le gouvernement leur a fixé début octobre un ultimatum, désormais expiré, pour partir volontairement ou être expulsés, ont indiqué jeudi des responsables.
La grande majorité d’entre eux se sont précipités ces derniers jours à la frontière, le Pakistan ayant donné jusqu’au 1er novembre aux Afghans en situation irrégulière, dont il estime le nombre à 1,7 million, pour partir. Ils ont préféré rentrer de leur propre chef, plutôt qu’être arrêtées et placées dans la cinquantaine de centres de rétention construits pour l’occasion en vue de leur expulsion.
«Je ne veux pas rentrer en Afghanistan, mais la police nous arrêtait, ma famille et moi (...) C’est pour ça qu’on a été forcé de partir, on n’a pas d’autre option», a déclaré à l’AFP près de la frontière Abdul Qadir Khan, un Afghan d’une cinquantaine d’années qui a passé toute sa vie d’adulte au Pakistan.
A Torkham, principal point de transit entre les deux pays, 28.000 personnes sont passées dans la seule journée du mercredi 1er novembre. Après plusieurs jours de chaos, la situation est redevenue plus fluide jeudi du côté pakistanais de la frontière.
Une fois de l’autre côté, les migrants, dont certains vivaient depuis des décennies au Pakistan ou y sont nés, doivent se faire enregistrer auprès des autorités afghanes, qui ont été submergées par cet afflux soudain. Des milliers de personnes sont restées bloquées à la frontière pendant plusieurs jours, sans abri, eau ou nourriture, avant d’être incitées à rejoindre un centre d’enregistrement temporaire à quelques kilomètres de là.
«Rentrer avec dignité»
Ce centre, qui a ouvert jeudi, dispose de toilettes, est mieux approvisionné en eau et permet un enregistrement un peu plus rapide, ont constaté des journalistes de l’AFP. «Cet endroit est un peu mieux, on est un peu plus à l’aise (...) Ils nous ont donné des médicaments et aussi une tente», a expliqué une femme dénommée Rooh Gul.
Le ministre afghan des Réfugiés, Khalil Haqqani, a indiqué continuer à faire pression sur le Pakistan pour qu’ils laissent plus de temps aux Afghans pour partir. «Les gens doivent être autorisés à rentrer avec dignité», a-t-il déclaré. «(Les Pakistanais) ne devraient pas faire souffrir les Afghans, ils ne devraient pas se faire plus d’ennemis».
Des millions d’Afghans ont afflué au Pakistan au cours de décennies de guerre, dont au moins 600.000 depuis le retour au pouvoir des talibans à Kaboul en août 2021, en faisant l’un des pays qui accueillent le plus de réfugiés au monde. Beaucoup ont peur de rentrer en Afghanistan, où le gouvernement taliban a imposé son interprétation rigoriste de l’islam, interdisant par exemple aux filles l’accès à l’éducation après l’école primaire.
«La campagne continuera»
Le gouvernement pakistanais a dit chercher à préserver avec cette mesure la sécurité du pays, après une forte hausse des attentats sur son sol, qu’Islamabad impute à des groupes basés en Afghanistan. Des analystes estiment que le Pakistan cherche ainsi à faire pression sur les talibans pour qu’ils renforcent la coopération sur cette question.
L’initiative semble avoir le soutien d’une majorité de la population pakistanaise, qui considère souvent ces réfugiés comme un fardeau pour les infrastructures et les finances du pays. Le gouvernement pakistanais a promis de se montrer intraitable envers les illégaux qui refuseraient de partir, et la police multiplie depuis mercredi les arrestations dans tout le pays. Plus de 525 personnes ont été arrêtées jeudi lors d’un coup de filet à Karachi et à Quetta.
Les défenseurs des droits humains ont accusé les autorités pakistanaises de recourir aux menaces, mauvais traitements et détentions pour contraindre les migrants à partir. Des arrestations, y compris de personnes en situation régulière, et des tentatives d’extorsion de la part de la police ont aussi été signalées par des Afghans.