Parmi eux, un sabre marocain: passe d’armes entre droite française et régime d’Alger sur des biens de l’émir Abd el-Kader

Le sabre de la capitulation de l'émir Abd el-Kader en 1847, que l'Algérie voudrait récupérer auprès de la France.

Le sabre de la capitulation de l'émir Abd el-Kader en 1847, que l'Algérie voudrait récupérer auprès de la France.

Dans le cadre de ses travaux, la Commission mixte algéro-française sur l’Histoire et la Mémoire eut à plancher sur «une liste ouverte de biens historiques et symboliques de l’Algérie du XIXème siècle», essentiellement des objets ayant appartenu à l’émir Abd el-Kader, qu’Alger veut récupérer. La droite française en a profité pour régler ses comptes avec le voisin.

Le 31/05/2024 à 14h51

La polémique est intervenue après la fin des travaux de la 5ème rencontre de la Commission mixte franco-algérienne sur l’Histoire et la Mémoire, une instance créée pour tenter d’apaiser les différends historiques entre la France et l’Algérie «en tenant compte de toutes les dimensions de la période coloniale». Cette cinquième rencontre a eu lieu les 22 et 23 mai 2024. L’occasion pour le régime d’Alger de revendiquer «une liste ouverte de biens historiques et symboliques de l’Algérie du XIXème siècle, conservés dans différentes institutions françaises, proposés à la restitution à l’Algérie sous forme de gestes symboliques», lit-on dans un communiqué de ladite commission, daté du lundi 27 mai dernier.

Il s’agit essentiellement d’objets ayant appartenu à l’émir Abd el-Kader, symbole de la lutte contre l’Algérie française. Véritables clous de ce «trésor», des sabres de cette icône algérienne. Deux d’entre eux cristallisent plus que tout le reste la volonté de «réappropriation» algérienne. Le premier est le sabre de la capitulation de 1847, «ce trophée que le chef insurgé traqué de l’Ouest algérien a remis –au côté de sa jument– au duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe (1830-1848) promu gouverneur général en Algérie, à Djemaa Ghazaouet, non loin de la frontière avec le sultanat du Maroc», explique le quotidien français Le Monde dans un article dédié. On retiendra que le sabre en question porte la signature de la manufacture d’armes française «Manceaux Paris». «Selon toute vraisemblance, il s’agirait d’un cadeau diplomatique offert par la France à l’émir lors de la signature en 1837 du traité de la Tafna, une trêve qui dura à peine deux ans. Un retour à l’envoyeur, en somme», ironise le grand tirage français.

Le second n’est autre qu’un sabre à double quillon… marocain.

Les négociations dans le cadre du groupe de discussion mixte algéro-français sur la question des archives se poursuivent. Néanmoins, les obstacles juridiques à la restitution et autres infinis imbroglios donnent la migraine. L’Algérie se dit «préoccupée» par les lenteurs passées, présentes et à venir. La partie française, elle, s’engage à transmettre ladite liste au président Emmanuel Macron. Mais rien n’est gagné d’avance. En attendant, l’affaire provoque bien des passions d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée.

La droite française n’a pas attendu l’issue de cette problématique pour s’en prendre au régime d’Alger. Et les supports médiatiques de ce dernier ont méchamment répliqué. Ainsi, et principale formation de la droite française et de l’opposition, le parti Les Républicains a posté un message sur son compte X (ex Twitter) dans lequel il invite les autorités algériennes à récupérer… les Algériens présents sur le sol français. «Il faut tout reprendre, les biens et le mal: criminels, délinquants, clandestins, OQTF...», lit-on dans cette déclaration.


Une position que le président des Républicains, Éric Ciotti, a faite sienne. Sur son compte X personnel, il a repris le même appel. «Transmettons également à l’Algérie la liste des délinquants qu’ils doivent reprendre chez eux», a tweeté Éric Ciotti, dont le parti plaide ouvertement pour un rééquilibrage des relations avec l’Algérie.

Encore plus à droite, la tête de liste du parti d’Éric Zemmour, Reconquête, aux prochaines élections européennes, Marion Maréchal, n’y va pas de main morte. «On va plutôt leur rendre les Algériens clandestins, fichés S, criminels et chômeurs longue durée», écrit-elle.

Il n’en fallait pas plus pour qu’une véritable levée de boucliers soit décrétée à Alger. «Le parti Les Républicains ne se contente plus de faire pression sur le président Emmanuel Macron pour contrarier son rapprochement avec Alger. Il emprunte désormais sa rhétorique véhémente à l’extrême droite sur l’Algérie. Après avoir calqué leur programme, Les Républicains se mettent à voler aux courants extrémistes leur violence verbale sur l’Algérie», écrit Tout sur l’Algérie.

À la base hystérique, le particulièrement marocophobe Algérie patriotique monte d’un cran et s’en prend à la personne même d’Éric Ciotti, prenant pour vérité des soupçons dont il fait l’objet et le qualifiant de «Templier des temps modernes», «constamment en Croisade contre les Arabes et les musulmans» et avec une «tendance haineuse envers l’Algérie». De quoi conclure que pour l’histoire récente comme pour les temps présents, la réconciliation entre une bonne partie de l’opinion en France et le régime d’Alger, dont la rente mémorielle est érigée en «asset», n’est pas pour demain.

Par Tarik Qattab
Le 31/05/2024 à 14h51