Un attentat suicide, visant le parti religieux conservateur Jamiat Ulema-e-Islam (JUI-F), dont plus de 400 membres et sympathisants étaient rassemblés sous une tente dans la ville de Khar, près de la frontière avec l’Afghanistan, a fait au moins 44 morts et plus de 100 blessés le dimanche 30 juillet.
«Alors que nous attendions l’arrivée des principaux dirigeants, une grosse détonation a tout à coup retenti», a témoigné Sabeeh Ullah, un sympathisant de 24 ans dont le bras a été fracturé dans l’explosion. «Je me suis retrouvé allongé à côté de quelqu’un qui avait perdu ses membres. L’air s’est retrouvé chargé d’une odeur de chair», a-t-il raconté à l’AFP par téléphone.
Alors que le bilan ne cesse de s’alourdir, Riaz Anwar, représentant du ministère de la Santé pour la province de Khyber Pakhtunkhwa, a indiqué à l’AFP qu’au moins 44 personnes avaient été tuées et plus d’une centaine blessées. «C’était un attentat suicide, l’attaquant s’est fait exploser tout près de la scène», a-t-il ajouté.
Des images de l’explosion circulant sur les réseaux sociaux montrent des corps éparpillés dans la foule et des volontaires aidant les victimes ensanglantées à se rendre dans des ambulances.
«Créer un climat d’instabilité»
Cet attentat coïncide avec la visite d’une délégation de responsables chinois, dont le vice-Premier ministre He Lifeng, arrivée dimanche soir dans la capitale pakistanaise afin de marquer le 10ème anniversaire d’un gigantesque plan économique, pierre angulaire des «nouvelles routes de la soie».
Pour le spécialiste des questions de sécurité Imtiaz Gul, l’attaque «s’inscrit dans la violence terroriste qui semble monter en puissance au Pakistan à l’approche des élections afin de créer un climat d’instabilité qui pourrait conduire à retarder les élections». Le gouvernement pakistanais doit être dissous dans les prochaines semaines avant les élections prévues en octobre ou novembre, et les partis politiques se préparent à faire campagne.
Le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, a condamné l’attentat sur Twitter (rebaptisé X), présentant ses condoléances aux victimes et promettant de punir les coupables. Aucun groupe n’a revendiqué l’attentat, mais la section locale du groupe État islamique (EI) a déjà revendiqué des attentats contre le JUI-F.
L’année dernière, l’EI a dit être à l’origine d’attaques violentes contre des érudits religieux affiliés au parti, qui dispose d’un vaste réseau de mosquées et de madrasas (écoles coraniques) dans le nord et l’ouest du pays. Le groupe jihadiste accuse le JUI-F d’hypocrisie, le parti religieux ayant soutenu les gouvernements successifs et l’armée.
Le leader du JUI-F, Fazlur Rehman, ancien islamiste dur et anti-américain appelant à l’application de la charia, a ces dernières années tenté de changer son image en se montrant plus modéré.
Malgré la capacité de son parti à mobiliser des dizaines de milliers d’étudiants des madrasas, le JUI-F n’a jamais rassemblé suffisamment de soutiens pour diriger seul, mais il est habituellement un allié-clé pour former toute coalition.
Point névralgique
Les attaques au Pakistan ont augmenté depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021, puis la fin du cessez-le-feu entre le groupe taliban pakistanais Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) et le gouvernement pakistanais fin novembre.
En janvier, un homme, lié au TTP selon les autorités, avait fait exploser la bombe qu’il portait sur lui dans une mosquée à l’intérieur d’une base de la police à Peshawar (nord-est), tuant plus de 80 policiers. Les attaques ont lieu principalement dans les régions limitrophes avec l’Afghanistan. Islamabad estime que certaines d’entre elles sont planifiées depuis le sol afghan, ce que Kaboul dément.
Selon les analystes, les militants des anciennes zones tribales frontalières de l’Afghanistan se sont enhardis depuis le retour des talibans afghans. Bajaur, où s’est déroulée l’explosion, est l’un des sept districts isolés qui bordent l’Afghanistan. La région a été un point névralgique de la guerre mondiale contre le terrorisme.
Le Pakistan était autrefois en proie à des attentats à la bombe quasi quotidiens, mais une vaste opération militaire lancée en 2014 a permis de rétablir l’ordre dans une large mesure. Le porte-parole du gouvernement afghan Zabihullah Mujahid a condamné l’attaque de dimanche dans un communiqué.