En juin 2017, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn mais aussi l'Egypte ont rompu leur liens avec Doha qu'ils accusent de soutenir les mouvements islamistes, d'être proche de l'Iran et de la Turquie et de s'ingérer dans les affaires intérieures des pays arabes à travers sa célèbre chaîne Al-Jazeera. Le riche émirat gazier a toujours démenti ces accusations.
Depuis, Riyad et ses alliés ont fermé leur espace aérien à Qatar Airways, ont interdit tout voyage dans le pays, suspendu la coopération commerciale et les deux camps se sont livrés à une bataille médiatique sans relâche.
Mais deux ans et demi plus tard, "les signes d'une réconciliation imminente se multiplient", observe Kristian Ulrichsen, chercheur à l'Institut Baker de l'université Rice, aux Etats-Unis.
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Et, dans une région où le sport est devenu un outil diplomatique de choix, surtout pour le Qatar qui organise la Coupe du monde 2022, le football représente un des principaux axes de la détente.
Le Qatar accueille actuellement la Coupe du Golfe de football avec la participation notamment des sélections saoudienne, émiratie et bahreïnie, annoncée à la dernière minute, une première depuis le gel des relations avec leur voisin.
"La façon dont le tournoi est couvert par les médias et les commentateurs de premier plan dans les Etats boycottant (le Qatar) est étonnamment différente de ce que nous avons vu au cours des deux dernières années", constate Kristian Ulrichsen.
L'équipe saoudienne s'est rendue directement à Doha malgré l'interdiction des vols directs, mais celle des Emirats a fait escale dans un pays tiers.
Dernière branche d'olivier tendue: la Fédération de football du Bahreïn a annoncé mercredi sa décision d'envoyer au Qatar des supporters à bord de deux avions pour soutenir l'équipe nationale en demi-finale contre l'Irak à Doha jeudi dernier.
Sur le plan diplomatique, Ryad a insisté pour que le prochain sommet du Golfe se tienne en Arabie saoudite plutôt qu'aux Emirats, pour augmenter les chances que l'émir du Qatar y participe, selon Andreas Krieg, professeur au King's College de Londres.
Et le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, s'est rendu en Arabie saoudite le mois dernier, d'après une source diplomatique arabe.
"Les discussions qui se sont tenues ces deux dernières semaines --notamment avec le ministre des Affaires étrangères qatari-- ont été centrées sur la levée du blocus par les Saoudiens", affirme Andreas Krieg.
Selon lui, "la participation de l'émir (du Qatar au sommet du Golfe à Ryad) dépendra de la capacité des Saoudiens à respecter leur part du marché, qui consisterait à lever au moins l'interdiction des vols ou à ouvrir leur côté de la frontière".
Après l'annonce de l'embargo en 2017, le quatuor anti-Qatar avait imposé 13 conditions sine qua non pour une reprise des relations, exigeant notamment la suspension de la chaîne Al-Jazeera, la réduction des liens avec l'Iran ou encore la fermeture d'une base militaire turque dans l'émirat.
Le Qatar avait fermement rejeté ces demandes.
La récente montée des tensions avec l'Iran semble toutefois avoir incité l'Arabie Saoudite, chef de file des pays du Golfe, à modérer sa position et à tenter de construire un front arabe uni.
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Mais plusieurs diplomates à Doha ont laissé entendre qu'il existe des divisions au sein du groupe anti-Qatar, les Saoudiens souhaitant une réconciliation tandis que les Emirats arabes unis semblent préférer garder leurs distances.
"L'animosité envers le Qatar à Abou Dhabi (capitale des Emirats arabes unis) est telle que ces liens sont peut-être plus difficiles à réparer que ceux avec l'Arabie saoudite", estime Kristian Ulrichsen.
Selon lui, Mohammed ben Zayed, prince héritier d'Abou Dhabi et homme fort des Emirats, "considère toute forme d'islamisme comme une potentielle menace existentielle pour la sécurité et la stabilité" du pays.
"L'engagement pragmatique du Qatar avec ces groupes, aussi modérés soient-ils" nourrit des craintes de "nature viscérale" chez les dirigeants émiratis.