Mardi prochain, 4 novembre, aura lieu l’élection du maire de New York. Le jeune candidat démocrate -il a 34 ans - Zohran Mamdani, autoproclamé socialiste est en tête dans les sondages. S’il est élu, ce sera un séisme politique.
Il est né à Kampala (Ouganda), fils de l’anthropologue Mahmood Mamdani et de la réalisatrice Mira Nair. Il affiche volontiers une identité musulmane de gauche cosmopolite et ouverte. Rattaché au Mouvement Democratic Socialist of America (DSA), Zohran Mamdani fait partie d’une nouvelle génération: celle qui pousse le Parti démocrate vers la gauche, notamment sur les questions sociales et de politique étrangère. Voici un an, il était encore inconnu du grand public, quand il annonce sa candidature à la mairie de New York. Le 24 juin 2025, le voilà qui remporte 43,45% des voix au premier tour de la primaire contre Andrew Cuomo, figure de l’establishment démocrate, gouverneur de l’État de New York de 2011 à 2021. Au second tour, il arrive en tête avec Cuomo 56,4%, devant Andrew (43,6%) et Brad Lander (11,2%). Selon des propos de Trump, rapportés par le quotidien The Wall Street Journal, Mamdani ne pouvait plus être battu le 4 novembre. Certains y voient quelque satisfaction après tout dans la mesure où Mamdani est une figure repoussoir pour les électeurs centristes et indépendants qui souvent font la différence dans les scrutins. Dans le dernier débat télévisé, le mercredi 22 octobre, ses deux adversaires l’ont cependant malmené. Andrew Cumuo, 67 ans, a mis en relief sa propre expérience de gouverneur par rapport à celle de Mamdani: «Vous avez 34 ans, vous n’avez jamais travaillé. Vous ne savez pas diriger un exécutif. Vous n’avez jamais rien accompli...»
D’autres critiques lui sont adressées: ses positions propalestiniennes, son occupation d’un logement social, ses propos accusateurs contre les forces de l’ordre au lendemain de la mort de George Floyd en 2020 alors que le maire est censé diriger le New York Police Department. S’y ajoutent d’autres, dans la perspective de la victoire, sur les faiblesses potentielles de son programme. En particulier les mesures suivantes: le gel des loyers des appartements gérés par la ville, les bus gratuits, un système universel de garde d’enfants,... Comment les financer? Il a répliqué en annonçant l’augmentation des impôts sur les sociétés et sur les riches, toutes mesures qui nécessitent leur validation par l’État fédéral. Son ascension doit beaucoup à la faiblesse de ses adversaires et à ses atouts: charisme, habileté de sa campagne en ligne, soutien d’un grand réseau de volontaires.
Sa trajectoire retient l’intérêt en ce qu’elle reflète l’avènement d’une nouvelle génération d’élus s’affichant depuis les élections de 2016 comme ouvertement musulmane et de gauche. C’est l’affirmation d’une gauche musulmane non-identitaire. Elle enjambe la revendication d’un droit à la reconnaissance; elle milite tout simplement pour un droit à une politique de justice et d’égalité. Sa campagne repose sur une dynamique de coalitions: des syndicats d’employés du secteur public, des organisations de défense du droit au logement, des organisations représentant des communautés d’origines haïtiennes, yémenites ou pakistanaises. Il a veillé à mettre en scène cette identité œcuménique et plurielle sur les réseaux sociaux à travers ses vidéos de campagne. On l’a vu s’exprimer en ourdou (langue nationale du Pakistan et l’une des langues officielles de l’Inde) ou en espagnol, déguster un plat de biryani (indien), faire un discours devant les fidèles africains-américains de l’Église épiscopale méthodiste africaine dans le Queens ou visiter le centre culturel du Népal.
«Un cas de figure particulier d’alliance entre le socialiste musulman, novice en politique et le haut fonctionnaire expérimenté se définissant comme un sioniste libéral»
— Mustapha Sehimi
Il vaut de noter, par ailleurs, que les soutiens les plus organisés et les plus «activistes» même viennent d’organisations... juives de gauche telles que l’organisation Jews for racial and Economic Justice ( JFREJ), en pointe dans la lutte contre l’islamophobie. Des réseaux interconfessionnels et multiethniques de solidarité se sont ainsi mobilisés. Pas seulement par simple calcul électoral supposé aider Mamdani à surmonter et à désamorcer les critiques et les attaques liées à son identité musulmane. Des relations de proximité et d’amitié ont été en effet nouées entre des personnes qui ont fait ensemble leur éducation militante et politique au sein de nombreux mouvements. Cela dit, il faut également noter un autre ingrédient de la victoire de Zohran Mamdani qui a été l’alliance qu’il a contractée lors de la primaire avec son concurrent et ami Brad Lander, contrôleur de la ville de New York, chargé des comptes publics. Un cas de figure particulier d’alliance entre le socialiste musulman, novice en politique et le haut fonctionnaire expérimenté se définissant comme un sioniste libéral.
Une solidarité entre musulmans et juifs new- yorkais qui a puisé sa force et sa légitimité dans une dynamique de coalition plus large, transconfessionnelle, interethnique et transclasse qui a permis à Mamdani de se classer en tête en juin dernier. Elle a été construite par le candidat sur le modèle de la "big tent" (la grande tente), une métaphore américaine pour signifier qu’on cherche à fédérer Elle ne repose pas pour autant sur le postulat d’une origine commune; elle n’efface pas les différences; et elle est distincte du récit nationaliste religieux d’une communauté pure et homogène. Elle est autre chose: un collectif hétéroclite mettant en scène ce que Mamdani appelle une «politique du futur» et de la solidarité. Un «nous» à construire...





