L’ex-président brésilien Bolsonaro face à ses juges et son destin

Jair Bolsonaro, candidat de droite à la présidentielle brésilienne pour le Parti social-libéral (PSL), à Rio de Janeiro, au Brésil, le 7 octobre 2018.. AFP or licensors

L’ancien président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro joue son avenir à partir de mardi dans son procès pour tentative de coup d’Etat, un rendez-vous historique pour la démocratie au Brésil, malgré les coups de boutoir de Donald Trump.

Le 30/08/2025 à 07h04

À Brasilia, cinq juges de la Cour suprême, dont l’emblématique et critiqué Alexandre de Moraes, se retrouveront pour cinq journées d’audience entre les 2 et 12 septembre afin de décider de condamner ou d’acquitter l’ancien chef de l’Etat (2019-2022) et sept de ses ex-collaborateurs.

L’accusation est gravissime et l’enjeu immense pour la première puissance d’Amérique latine, en butte à une guerre commerciale lancée par le président américain dans l’espoir de sauver son allié Jair Bolsonaro.

À 70 ans, ce dernier risque environ 40 ans de prison pour, selon l’accusation, avoir conspiré pour assurer son «maintien autoritaire au pouvoir» en dépit de la victoire du champion de la gauche Luiz Inacio Lula da Silva au scrutin de 2022.

Selon le parquet, le plan prévoyait jusqu’à l’assassinat de Lula avant son investiture mais aussi du juge Moraes.

L’intéressé nie en bloc et dénonce une «persécution politique». Il a toujours affirmé avoir été victime d’une fraude électorale, et ses attaques sans preuve contre le système de vote électronique lui valent d’être inéligible jusqu’en 2030.

Interrogé par la Cour en juin, M. Bolsonaro avait simplement reconnu avoir cherché un «dispositif constitutionnel» pour empêcher l’installation de Lula.

Assigné à résidence depuis près d’un mois, il a prévu de suivre depuis son domicile l’épilogue de son procès, retransmis en direct, selon son entourage.

En cas de condamnation, qu’il pourra contester en appel, il «est possible» qu’il soit envoyé aussitôt en prison, selon une source du tribunal.

«Rupture démocratique»

Jair Bolsonaro n’a pas envie de manger et continue de souffrir de vomissements, a déclaré vendredi son fils Carlos Bolsonaro.

«Le vieil homme est amaigri, il ne veut pas manger et continue de souffrir d’interminables crises de hoquets et de vomissements. Ca fait très mal de voir tout cela», a affirmé sur X le deuxième des cinq enfants de l’ancien chef de l’État.

Pour le Brésil, sorti en 1985 de deux décennies de dictature militaire, la portée du procès est considérable.

«C’est un moment historique car c’est la première fois qu’un ancien chef d’Etat est poursuivi en justice pour une tentative de rupture démocratique», dit à l’AFP l’historienne Martina Spohr, de la Fondation Getulio Vargas, un pôle universitaire.

Mais il est aussi retentissant car l’affaire Bolsonaro est au coeur d’une crise sans précédent avec les Etats-Unis.

Invoquant une «chasse aux sorcières» contre Jair Bolsonaro, Donald Trump a imposé depuis le 6 août une surtaxe punitive de 50% sur une part des exportations brésiliennes.

Aiguillonnée par le député Eduardo Bolsonaro, fils de l’ancien président installé aux Etats-Unis, son administration a aussi dégainé des sanctions individuelles contre des officiels brésiliens, à commencer par le juge Moraes, dépeint en détenteur d’un «pouvoir dictatorial».

Mais cela n’a pas arrangé les affaires du leader du camp conservateur au Brésil. Au contraire.

Bracelet électronique, interdiction de réseaux sociaux, résidence surveillée: Jair Bolsonaro s’est retrouvé ces dernières semaines largement hors jeu, par suite de soupçons d’entrave à son procès liés aux pressions américaines.

Craignant un «risque de fuite», le juge Moraes a ordonné cette semaine une surveillance policière permanente du principal accusé.

Présidentielle 2026

Pour ce dénouement judiciaire, la Cour suprême sera entourée d’un déploiement policier renforcé.

Le lieu lui-même est un symbole.

Le 8 janvier 2023, le tribunal avait été, avec le palais présidentiel et le Parlement, pris d’assaut et saccagé par des milliers de bolsonaristes réclamant une intervention militaire, une semaine après l’investiture de Lula.

Qu’il finisse en prison ou non, Jair Bolsonaro est déjà, du fait de sa résidence surveillée, le quatrième ancien président à connaître la détention depuis le retour de la démocratie au Brésil il y a 40 ans.

Lula, 79 ans, a été incarcéré pendant 580 jours en 2018 et 2019 après avoir été condamné pour corruption passive et blanchiment. Une condamnation annulée par la suite pour vice de forme.

Avec une popularité requinquée par les attaques de Donald Trump, il compte bien concourir de nouveau à la présidentielle en 2026 en se posant en défenseur de la «souveraineté» brésilienne.

Le camp bolsonariste mise, lui, sur le vote d’une amnistie au Parlement pour remettre en selle son leader. Mais ses efforts en ce sens ont jusque-là échoué.

Par Le360 (avec AFP)
Le 30/08/2025 à 07h04