Les bons souvenirs du Maroc d’Andrej Babis, le grand favori aux élections législatives de Tchéquie

Andrej Babis, député slovaque, président du parti ANO, grand favori aux élections législatives en République Tchèque en octobre 2025, a vécu 6 ans au Maroc de 1985 à 1991.

Andrej Babis, député slovaque, président du parti ANO, grand favori aux élections législatives en République Tchèque en octobre 2025, a vécu 6 ans au Maroc de 1985 à 1991.

Grand favori aux élections législatives de la République tchèque qui se dérouleront les 3 et 4 octobre 2025, Andrej Babis, qui pourrait se voir élire une deuxième fois au poste de Premier ministre de son pays, a vécu plusieurs années au Maroc. Un séjour de six ans dont il garde de très bons souvenirs.

Le 14/05/2025 à 09h12

On le surnomme le «Trump tchèque» en raison d’un parcours atypique, à l’instar de celui de Donald Trump, qui a vu sa carrière d’hommes d’affaires à la tête d’Agrofert, groupe alimentaire et chimique, évoluer vers une carrière d’homme politique de Premier plan.

Fondateur du parti ANO, mouvement eurosceptique, opposé à l’aide en Ukraine et anti-migrants, il a occupé le poste de premier ministre de son pays de 2017 à 2021 avant de s’incliner aux dernières élections législatives devant son rival, Petr Fiala, qui gouverne depuis à la tête d’une coalition centriste pro-européenne, à la pointe de la solidarité envers l’Ukraine.

Mais aujourd’hui, le député d’origine slovaque signe son grand retour au-devant de la scène politique de son pays. Passé du camp des libéraux «Renew» au groupe des «Patriotes» de l’extrême droite au Parlement européen en 2024, le parti ANO est donné en tête des élections législatives en Tchéquie par les sondages, avec plus de 30% des intentions de vote.

Deuxième homme le plus riche de son pays, il figure à 70 ans dans le classement Forbes des hommes les plus riches du monde avec une fortune culminant à quelque 3,3 milliards d’euros. Mais contrairement au président américain qui s’est imposé dans le monde des affaires comme un magnat de l’immobilier, Andrej Babis a fait fortune dans l’agro-alimentaire, la chimie et les médias. Une success story dans laquelle le Maroc occupe une place de premier plan.

Le Maroc, le rêve d’Andrej Babis devenu réalité

Quand il s’agit d’évoquer sa vie au Maroc, Andrej Babis ne tarit pas d’éloges et partage avec plaisir les précieux souvenirs qu’il garde d’une parenthèse qui aura tout de même duré six ans, entre 1985 et 1991.

Né à Bratislava en 1954, ce fils de fonctionnaires dont le père a fait carrière dans le commerce extérieur, grandit en partie à Paris puis en Suisse où sa famille émigre et où il apprend la langue française. Diplômé de la faculté de commerce de l’université d’économie, avec une spécialisation en commerce extérieur, il décroche son premier poste, en 1978, à PZO Chemapol Bratislava, au département de chimie. Quelques années plus tard, sa carrière se dessine à l’étranger.

«Mon objectif principal, comme je l’ai mentionné, était de voyager, et j’avais l’avantage que Petrimex achetait des phosphates dans des pays francophones comme le Maroc, l’Algérie, mais aussi l‘Égypte, la Jordanie et la Syrie. Beaucoup de gens ne parlaient pas français, alors je suis devenu cadre de réserve pour voyager soit au Maroc, soit à Alger, soit à Tunis. Après huit ans d’attente, mon rêve s’est réalisé et à l’automne 1985, j’ai été envoyé comme délégué de Petrimex au Maroc, où j’ai représenté une quinzaine d’entreprises de commerce extérieur», explique Andrej Babis dans sa biographie officielle.

L’homme politique consacre à sa vie au Maroc jusqu’en 1991 un long passage de sa biographie. «Au Maroc, j’ai enfin pu tester mes compétences en affaires et je pense être un représentant valable pour toutes les entreprises de commerce extérieur. J’ai représenté Ligna, Motokov, Koospol, Chemapol et autres PZO. J’ai vendu du bois, des pneus, des machines à laver, des fournitures de bureau, mais j’ai surtout acheté des phosphates, la principale richesse du Maroc», explique-t-il, évoquant au passage Mohamed Karim Lamrani, patron de l’OCP à cette époque, «qui a été deux fois Premier ministre et l’une des personnes les plus riches d’Afrique».

Andrej Babis, qui n’était alors pas encore le milliardaire qu’il est aujourd’hui, raconte également son train de vie au Maroc. «J’avais un salaire d’environ six cents dollars, dont j’ai mis de côté et économisé la moitié pour payer la maison que j’ai construite à Děvínská Nová Ves, pour laquelle j’ai contracté un prêt de 600.000 dollars sur 15 ans à un pour cent d’intérêt. Nous vivions décemment avec trois cents dollars», détaille le magnat des affaires.

Une fille, championne du Maroc de tennis

Installé au Maroc avec sa première épouse, Beata, leur fille Adriana et leur fils Andrej, Andrej Babis a construit pendant 6 ans, à Rabat, sa vie familiale. «Lors de la pause de midi, j’emmenais ma fille au club de tennis. Elle est devenue deux ou trois fois championne du Maroc. Grâce à cela, nous avons pu connaître le pays et j’ai également noué d’excellents contacts», raconte-t-il dans sa biographie.

Sur la carrière sportive marocaine de sa fille Adriana, Andrej Babis en dit plus en 2018 devant un parterre d’entrepreneurs lors d’un salon de l’ingénierie mais aussi dans la presse de son pays, comme le relate le journal Blesk.

«Lorsque j’étais au Maroc, ma fille jouait au tennis avec le fils du roi Hassan II et lui avait offert un chien. Grâce à cela, j’ai noué d’excellents contacts». Il précise plus tard: «Oui, au Maroc, ma fille a joué au tennis avec le fils du roi Hassan II, frère de Mohammed VI».

Le Maroc, ce pays qu’il n’a jamais voulu quitter

Le 16 novembre 1989, alors qu’Andrej Babis vit toujours au Maroc, la révolution de Velours débute en Tchécoslovaquie et sonne le glas de la République socialiste tchécoslovaque, dans la lignée de la chute des régimes communistes de l’Est européen. À ce sujet, il raconte: «J’étais au Maroc pendant la révolution de Velours. Nous ne savions même pas vraiment ce qui se passait chez nous. Je voulais rester définitivement dans ce pays».

Un rêve qui ne concrétisera pas, car poursuit Andrej Babis, «mon mandat touchait à sa fin. J‘ai reçu une offre lucrative pour travailler pour une riche famille marocaine. Mais à la demande de mon ancien patron, qui m’avait autrefois aidé et qui était en quelque sorte mon protecteur, je suis retourné en Tchécoslovaquie».

Le Maroc, quitté par Andrej Babis en 1991, reste central dans sa politique migratoire, qui vise à résoudre la crise en priorisant l’aide aux zones de conflit et la coopération avec les nations nord-africaines.

En juillet 2018, cite le journal tchèque, il publiait ainsi une autre référence au Maroc sur sa page Facebook: «J’ai encore beaucoup d’amis au Maroc, où j’ai travaillé pendant plusieurs années. Bien sûr, je n’y mangeais pas de porc, et pendant le Ramadan, ma femme n’avait même pas l’idée de porter un t-shirt court. Donc, si quelqu’un veut venir chez nous en République tchèque, il doit respecter nos coutumes».

Des propos qui s’inscrivent dans la logique du président d’ANO, en profond désaccord avec le pacte migratoire adopté par le parlement européen en 2024 et qui accuse le gouvernement tchèque actuel de trahison, notamment pour avoir prétendument accepté la relocalisation forcée de réfugiés.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 14/05/2025 à 09h12