Le gouvernement a indiqué avoir pris cette décision, une première depuis sept ans, face à l'échec de la police à faire cesser la violence dans la région de Kandy. Des militaires et des forces spéciales de la police lourdement armées ont été déployés pour rétablir l'ordre dans la région, où les émeutiers ont défié un couvre-feu décrété lundi.
"Le gouvernement prend toutes les mesures possibles pour protéger la population, en particulier les musulmans", a déclaré le Premier ministre Ranil Wickremesinghe, devant le Parlement. Il a indiqué qu'une enquête avait été ouverte sur les failles dans l'action de la police, qui ont permis à des foules d'émeutiers cinghalais d'incendier des mosquées, des maisons et des commerces appartenant aux musulmans.
Le corps d'un homme musulman de 24 ans a été retrouvé mardi dans les ruines d'une maison incendiée. La police a indiqué qu'une vingtaine d'émeutiers avaient été arrêtés.
La région, connue pour ses plantations de thé et ses sites bouddhistes, est touchée depuis le week-end par des violences, qui ont fait suite au décès d'un Cinghalais bouddhiste battu par une foule la semaine dernière. Les Cinghalais, majoritairement bouddhistes, constituent les trois quarts des 21 millions d'habitants de l'île. Les musulmans représentent environ 10% de la population et les Tamouls, majoritairement hindous, environ 18%. Le Sri Lanka connaît une montée de l'extrémisme bouddhiste, attisé par des moines radicaux.
L'état d'urgence donne aux autorités des pouvoirs accrus pour déployer des forces, arrêter des suspects et les maintenir plus longtemps en détention. Le président Maithripala Sirisena a déclaré que cette décision allait permettre de "corriger la situation de sécurité insatisfaisante qui prévaut dans certaines parties du pays". "La police et les forces armées ont été dotés des pouvoirs nécessaires pour faire face aux éléments criminels dans la société et rétablir la normalité", a-t-il dit.
Le porte-parole de la police, Ruwan Gunasekera, a indiqué que l'état d'urgence avait donné aux forces de l'ordre le pouvoir d'arrêter ceux qui utiliseraient les réseaux sociaux pour inciter à la haîne et attiser les violences. Le Parlement sri-lankais a formulé des excuses mardi à l'égard de la minorité musulmane.
La violence dans la région de Kandy, une région de collines verdoyantes habituellement fréquentée par les touristes et les pèlerins, menace d'attiser les tensions qui ont suscité de récents épisodes de violences dans d'autres régions.
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L'état d'urgence, proclamé à l'issue d'un Conseil des ministres extraordinaire, l'a été pour la première fois depuis 2011. Ce pays insulaire avait été placé sous le régime de l'état d'urgence durant près de trois décennies avant la proclamation en 2009 par le gouvernement de sa victoire militaire contre la rébellion tamoule.
Selon le gouvernement, les violences se concentrent à Kandy, mais il a souligné lundi la nécessité d'empêcher que "la situation se développe en embrasement intercommunautaire".
La semaine dernière, des foules avaient incendié des commerces appartenant à des musulmans et attaqué une mosquée dans l'est du pays, après des accusations selon lesquelles un responsable musulman avait introduit des contraceptifs dans de la nourriture vendue à des Cinghalais. Le gouvernement a dénoncé des accusations sans fondement et ordonné l'arrestation de ceux qui les propageaient.
En novembre dernier, un homme avait été tué lors d'émeutes dans le sud de l'île. Des affrontements entre bouddhistes et musulmans avaient fait quatre morts et de nombreux blessés en juin 2014.
En Birmanie, autre pays à majorité bouddhiste, l'armée a été accusée d'épuration ethnique contre la minorité musulmane des rohingyas depuis le déclenchement fin août d'opérations dans l'ouest du pays.
Près de 690.000 musulmans rohingyas vivant dans cette région se sont réfugiés au Bangladesh. L'armée et des milices bouddhistes sont accusées de multiples exactions: viols, torture, meurtres, incendies de villages.