Le souverain et une partie de sa famille, dont le prince héritier Naruhito, sont apparus quelques minutes sur un balcon vitré d'un bâtiment impérial, sous le salut de milliers de petits drapeaux "hinomaru" agités par des Japonais de tous les âges criant "Banzai" ("Dix mille ans", signifiant "longue vie").
Comment l'atteste la venue de quelque 33.000 personnes, les citoyens nippons sont immensément respectueux de l'empereur Akihito et de l'impératrice Michiko, qui ont inauguré en 1989 une ère baptisée "Heisei" ("Parachèvement de la paix"), humaniste, humble, qu'a encore mis en relief son message diffusé ce vendredi férié, où il parle surtout des autres.
"Je viens tous les ans depuis son intronisation, pour son anniversaire et le Nouvel an. Il tient son rôle avec une telle rigueur", témoigne une septuagénaire habitant Tokyo.
Las, le "Tennô heika" craint que la vieillesse ne l'empêche à l'avenir d'exercer de façon pleine et entière son rôle de "symbole de la Nation".
"Heureusement, je suis aujourd'hui en bonne santé, mais quand je vois ma forme décliner progressivement, je m'inquiète de la difficulté à remplir mes fonctions", avait-il déclaré dans une rare allocution télévisée en août dernier.
S'il n'a alors pas prononcé l'expression "abdication", ce souhait a filtré dans ses paroles et entraîné une réflexion nationale sur sa fin de règne."Je remercie profondément tous ceux qui ont prêté une attention à mes propos et y réfléchissent avec différents points de vue", a déclaré vendredi le souverain.
En vertu de la loi régissant la Maison impériale, l'Empereur du Japon n'est pas autorisé à abandonner le trône du Chrysanthème de son vivant.
Les textes prévoient qu'il puisse éventuellement être déchargé de ses tâches (paraphe de nombreux documents, accueil d'ambassadeurs et chefs d'Etat, cérémonies diverses, visites au Japon et à l'étranger) en cas de maladie ou incapacité mentale, mais les conditions de ce système de régence sont très restrictives.
Surtout, Akihito a clairement exprimé qu'une telle demi-mesure ne lui convenait pas. Il resterait en effet empereur en titre et cela signifie pour lui qu'il serait toujours redevable de la même responsabilité de symbole vis-à-vis du peuple.
Il dit en outre redouter les conséquences sur ses proches de la lourdeur du protocole de deuil lorsque l'empereur décède.
Pour trancher sur la façon de procéder, le Premier ministre nationaliste Shinzo Abe a nommé une commission de personnalités "sur l'allègement des tâches publiques de l'empereur et autres sujets".
Il a étrangement choisi des non-spécialistes de ces questions, perçus comme des proches, afin de mener des auditions d'experts et de rédiger un rapport avec des recommandations sur la démarche jugée la plus souhaitable.
Les conclusions de la commission sont attendues début 2017.
Si, à l'instar de 90% de la population selon divers sondages, la plupart des universitaires et autres personnes interrogées considèrent qu'il faut autoriser l'empereur à abdiquer, le débat, qui divise énormément, porte essentiellement sur la méthode: une refonte de la loi régissant la Maison impériale ou la rédaction ex nihilo d'une législation spéciale offrant à l'actuel empereur, et à lui seul, le droit de léguer son titre et ses fonctions de son vivant à son fils aîné Naruhito.
Cette seconde option semble pour l'heure avoir les faveurs de la commission, malgré maints avis contraires.
"La Constitution dit que la succession au trône est régie par la loi sur la Maison impériale et non par une loi spéciale", souligne Sota Kimura, constitutionnaliste et professeur à l'Université métropolitaine de Tokyo.
Mais les conservateurs craignent qu'une réforme de la loi sur la Maison impériale ne conduise à rouvrir la boîte de Pandore sur la question de l'accession des femmes au trône, aujourd'hui prohibée.
Reste qu'une loi d'exception risque de "créer un précédent qui pourrait permettre à un gouvernement auquel l'empereur ne plaît pas de le forcer à partir, ce qui conduit de nombreuses personnes à considérer qu'un tel procédé doit être évité", insiste M. Kimura.