Une affaire de mœurs, impliquant un mineur, dans les années 1990 a-t-elle réellement été étouffée lorsque le nom d’Edward Heath est apparu? C’est ce qu’affirme un ancien officier de police, dont les allégations ont conduit la police des polices à annoncer lundi, devant la maison même de l’ancien Premier ministre conservateur (1970-1974) à Salisbury, l’ouverture d’une enquête.
L’histoire faisait mardi la Une de tous les médias britanniques qui rappelaient notamment les rumeurs qui ont poursuivi ce célibataire endurci et sans enfants pendant toute sa vie, jusqu’à sa mort à l’âge de 89 ans en 2005.Alors que la police du Wiltshire, le comté où Edward Heath a passé ses dernières années, a lancé un appel à témoin, le Daily Mirror publiait une interview d’un sexagénaire anonyme qui affirme avoir été violé par l’homme politique lorsqu’il était âgé de douze ans.Les faits se seraient déroulés en 1961 quand Edward Heath était encore un simple député, dans un appartement de Park Lane, une avenue chic de Londres.La victime présumée ajoute qu’il a reconnu l’homme politique seulement quatre ans plus tard en voyant sa photo dans un journal. «J’ai alors compris pourquoi personne n’avait voulu me croire. On m’a traité de menteur, de mythomane».
PrudenceBrian Binley, ancien député et conseiller d’Edward Heath, a estimé que ces accusations étaient «très difficiles à croire». «Edward Heath était quelqu’un de très secret, qui se contrôlait énormément. Il n’avait pas beaucoup d’amis. Il faut être très prudent avec de telles accusations. On dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu mais on sait tous que parfois si», a-t-il déclaré à la BBC.
Reste que la fumée s’épaissit de jour en jour, avec de nouvelles accusations de pédophilie qui sortent à un rythme soutenu depuis quatre ans. Le grand déballage a d’abord touché le milieu du spectacle dans la foulée des révélations sur Jimmy Savile, l’ancien animateur de la BBC mort en 2011 et décrit par Scotland Yard comme «le pire prédateur sexuel de l’histoire du pays».
Meurtre de trois enfantsCes derniers mois, l’attention se porte surtout sur le monde politique. En mars, la police des polices avait déjà ouvert une enquête après des plaintes accusant des policiers d’avoir couvert les agissements d’un réseau de pédophiles impliquant des responsables politiques dans les années 1970-2000.Une victime présumée, identifiée sous le nom de Nick, a raconté aux enquêteurs comment lui et plusieurs autres garçons étaient conduits à différentes adresses de Londres et de sa périphérie, pour y être agressés sexuellement. Il a aussi accusé des députés et d’autres personnalités de premier plan d’être liés au meurtre de trois enfants, âgés entre sept et seize ans.
Dossiers mystérieusement disparusEn 2014, des révélations de presse confirmées par les ministères concernés avaient montré que 114 dossiers relatifs à des accusations de sévices sexuels infligés à des enfants entre 1979 et 1999 avaient disparu mystérieusement. «Je n’ai absolument aucun doute qu’il y a un nombre significatif d’hommes politiques et d’autres membres de l’Establishment qui ont commis des abus sexuels sur des enfants et continuent probablement à le faire», a déclaré le député travailliste Simon Danczuk, à la chaîne Skynews, lundi soir.
Selon le Guardian, «au moins trois députés siégeant actuellement au Parlement» ont été signalés à la police, soupçonnés d’abus sur enfants.Vendredi, une première audience est prévue devant le tribunal de Westminster à Londres dans le dossier Greville Janner, un membre de la chambre des Lord de 86 ans inculpé d’agressions sexuelles sur mineurs entre 1963 et 1988.Sur la base de déclarations à la police, au moins 260 personnalités publiques, dont 76 politiciens, sont mis en cause dans des affaires de pédophilie.L’émotion grandissante au Royaume-Uni autour de cette accumulation de scandales a conduit le gouvernement à annoncer le mois dernier l’ouverture de «l’enquête publique la plus importante et la plus ambitieuse de l’histoire» du pays. Ses conclusions sont attendues en 2020.