Cette alliance va donner naissance à "Siemens Alstom", numéro deux mondial -en volume- pour le matériel ferroviaire roulant et au numéro un pour la signalisation. Le TGV, train à grande vitesse perçu en France comme une icône de la réussite nationale, deviendra donc franco-allemand dans un premier temps mais l'accord prévoit que Siemens pourra monter au-delà de 50,5% du capital au bout de quatre ans.
Le consortium allemand apportera ses activités ferroviaires et recevra en échange la moitié du capital d'Alstom. Le nouveau groupe sera coté à la Bourse de Paris et son siège sera basé en région parisienne, selon un communiqué commun d'Alstom et Siemens publié mardi soir, à l'issue des conseils d'administration et de surveillance des deux groupes.
L'actuel PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, restera à la tête du nouveau groupe, dont six des 11 membres du conseil d'administration seront désignés par Siemens.
L'Etat français, en revanche, n'y siègera pas. Il est actuellement actionnaire d'Alstom via des actions prêtées par Bouygues et, dans ce communiqué, "confirme mettre fin au prêt de titres (...) et n'exercera pas les options d'achat".
Le ministère français de l'Economie a indiqué que "le gouvernement français soutient ce rapprochement", et le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, "se réjouit de l'intérêt de cette opération tant du point de vue industriel qu'en termes de préservation de l'emploi".
La perte du contrôle d'un fleuron de l'industrie française suscite en effet des craintes, relayées par les syndicats. "Les garanties, c'est vite changé", a réagi auprès de l'AFP Daniel Dreger, de la CGT (deuxième syndicat chez Alstom).
Ce rapprochement est à la fois "une nécessité" pour lutter contre la concurrence chinoise mais il "inquiète" car "il y aura de la casse sociale à moyen terme", estime le premier syndicat du groupe, la CFE-CGC d'Alstom. Car derrière ce rapprochement plane l'ombre de CRRC, le géant chinois qui pousse la porte de l'Europe et "pourrait s'appuyer sur l'acquisition d'un constructeur européen", selon Benjamin Griveaux, secrétaire d'Etat français auprès du ministre de l'Economie.
Le gouvernement à cherché à rassurer. Selon le ministère de l'Economie, Siemens s'est engagé sur "la préservation des emplois et des sites industriels français" pendant quatre ans.
Cette alliance est également très politique, alors qu'Emmanuel Macron montre depuis son élection une volonté de rapprochement avec l'Allemagne et présentait le même jour ses propositions sur l'avenir de l'Union européenne.
Mais, tandis qu'Alstom et Siemens saluent la création d'un "champion européen de la mobilité", que Bruno Le Maire évoque un futur "champion mondial franco-allemand de la construction et de la signalisation ferroviaires", des voix s'élèvent, à gauche comme à droite. "C'est l'Allemagne qui rachète la France et Monsieur Macron nous brade", a réagi Laurent Wauquiez, vice-président des Républicains (droite).
Les élus de la gauche radicale chargés des transports en région parisienne estiment eux qu'"un tel scénario n'a rien de l'Airbus du ferroviaire vanté dans la presse, puisqu'il ne repose sur aucun contrôle public". L'opération devrait être finalisée fin 2018, après avoir obtenu les autorisations règlementaires.
Le Canadien Bombardier pourrait s'inviter dans un deuxième temps en apportant au nouveau groupe ses activités ferroviaires, selon le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. Alstom emploie 32.800 salariés, Siemens Mobility (la branche rail) 27.100.
Un rapprochement entre ces deux groupes avait déjà été étudié en 2014 mais avait échoué, Alstom préférant céder ses activités énergie à l'américain General Electric et recentrer son activité sur le ferroviaire.