Chargé par le président Emmanuel Macron de «constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays», le nouveau Premier ministre français, Michel Barnier, 73 ans, se sait déjà en sursis et va devoir trouver les bons équilibres pour ne pas tomber à la première motion de censure.
L’ex commissaire européen a, selon son entourage, multiplié les appels téléphoniques avant même sa prise de fonction: des responsables de droite à l’ex-chef de l’État Nicolas Sarkozy, ou aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Dès vendredi matin, il recevra à 07H00 GMT son prédécesseur Gabriel Attal, puis les dirigeants de son propre parti de droite, Les Républicains (LR), pour examiner les conditions d’une participation à son futur gouvernement. «Certaines personnalités de gauche» ont également été contactées et d’autres échanges devaient suivre, y compris avec le parti de gauche La France insoumise (LFI) et la formation d’extrême droite Rassemblement national (RN), car «il veut rassembler et respecter tout le monde».
Le nouveau Premier ministre a tendu des perches dès sa première prise de parole: «Il faudra beaucoup d’écoute» et «du respect à l’égard de toutes les forces politiques» représentées au Parlement, car «le sectarisme est une preuve de faiblesse». «Il s’agira de répondre, autant que nous le pourrons, aux défis, aux colères, aux souffrances, au sentiment d’abandon, d’injustice», a-t-il encore déclaré, en citant parmi ses priorités l’école, la sécurité, l’immigration, le travail et le pouvoir d’achat.
Cette nomination met fin à soixante jours de suspense consécutifs aux législatives de juillet, qui ont débouché sur une Assemblée nationale fragmentée en trois blocs: gauche, centre droit et extrême droite. Ce scrutin avait été convoqué après la dissolution de l’Assemblée décidée par M. Macron dans le sillage d’une déroute de sa majorité aux élections européennes de début juin.
Ministre à plusieurs reprises, notamment sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, puis commissaire européen qui a fait office de négociateur lors du Brexit, Michel Barnier est réputé bon médiateur. Il devra user de toutes ses qualités diplomatiques pour former un gouvernement susceptible de résister à d’éventuelles motions de censure.
«Déni démocratique»
Le RN a déjà annoncé qu’il «ne participera pas» au gouvernement Barnier, alors que ses 126 députés détiennent la clé d’une éventuelle censure. Idem pour la gauche, première force de l’Assemblée, qui réclamait le poste et qui a fustigé un «Premier ministre nommé avec la permission» de l’extrême droite.
Olivier Faure, patron du Parti socialiste (PS), autre composante de la coalition de gauche Nouveau Front populaire (NFP), a dénoncé un «déni démocratique à son apogée», le parti de M. Barnier étant arrivé seulement en 4ème position aux législatives, avec 5% des votes.
Le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon a affirmé que l’élection avait été «volée aux Français», et cette nomination conforte sa démarche de destitution contre Emmanuel Macron, doublée d’appels à manifester samedi.
Outre son parti, Michel Barnier pourra compter sur des membres de l’ex-majorité présidentielle, qui seront «nombreux à (l’)aider», selon l’un de ses prédécesseurs, Édouard Philippe. Le groupe centriste Liot fait aussi montre de bonnes dispositions à l’égard du nouveau Premier ministre, sous réserve que «la composition du futur gouvernement et (ses) orientations marquent un changement de méthodes et de cap».