France: le gouvernement tombe sous les coups de l’Assemblée, la crise repart

Le Premier ministre français François Bayrou (au centre) discute avec Bruno Millienne (à droite), député du parti MoDem, après le vote de défiance à l'Assemblée nationale à Paris qui a renversé le gouvernement Bayrou après neuf mois au pouvoir, le 8 septembre 2025. (Photo: AFP/STEPHANE DE SAKUTIN)

L’Assemblée nationale a renversé lundi le gouvernement du Premier ministre François Bayrou, qui remettra mardi sa démission au président Emmanuel Macron, précipitant la France dans une nouvelle crise politique.

Le 08/09/2025 à 18h36

Un total de 364 députés ont voté contre la confiance au Premier ministre (194 pour), lequel avait annoncé fin août engager la responsabilité de son gouvernement sur son impopulaire projet de budget, prévoyant 44 milliards d’euros d’économies pour 2026.

Tous les regards se tournent désormais vers le chef de l’État, contraint de désigner son troisième Premier ministre depuis sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale en juin 2024. Les élections qui ont suivi ont produit trois blocs — alliance de gauche, centre-droit et extrême droite — sans majorité, plongeant le pays dans une instabilité chronique.

Emmanuel Macron «prend acte» de la chute du gouvernement de François Bayrou, renversé par l’Assemblée nationale, et «nommera un nouveau Premier ministre dans les tout prochains jours», a annoncé lundi soir l’Élysée dans un communiqué.

Le chef de l’État «recevra demain le Premier ministre François Bayrou pour accepter la démission de son gouvernement», qui n’a pas obtenu le vote de confiance après avoir présenté un projet de budget d’austérité, a affirmé la présidence.

Après l’éphémère gouvernement de Michel Barnier (99 jours), le sort de celui de François Bayrou, entré en fonction en décembre, paraissait scellé. Depuis plusieurs semaines, les partis d’opposition, de l’extrême droite à l’extrême gauche, avaient annoncé qu’ils voteraient non.

Se sachant condamné, François Bayrou a lancé lundi, devant l’Assemblée nationale, un ultime cri d’alarme sur la situation économique de la France, deuxième économie de l’UE.

Évoquant une «épreuve de vérité», il a répété que le «pronostic vital» du pays était «engagé» en raison de son «surendettement», qui atteint 114% du PIB.

«Notre pays travaille, croit s’enrichir, et tous les ans s’appauvrit un peu plus. C’est une silencieuse, souterraine, invisible et insupportable hémorragie», a-t-il déclaré dans un discours ponctué d’invectives lancées par les partis d’opposition.

«Vous avez le pouvoir de renverser le gouvernement, mais vous n’avez pas le pouvoir d’effacer le réel», leur a-t-il lancé, comparant «la soumission à la dette» à «la soumission par la force militaire».

Une équation politique complexe

Emmanuel Macron a pour l’instant écarté l’hypothèse d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, réclamée à cor et à cri par l’extrême droite.

La tenue de nouvelles législatives n’est «pas une option, mais une obligation», a affirmé lundi sa cheffe de file Marine Le Pen, dont le parti (Rassemblement national) et ses alliés sont crédités de 33% des suffrages au premier tour, devant la gauche et le camp présidentiel, en cas d’élections anticipées.

Le Parti socialiste a, de son côté, répété ces derniers jours que la gauche, arrivée en tête aux dernières législatives, devait prendre les rênes du gouvernement.

«Nous sommes prêts, qu’il vienne nous chercher», a lancé lundi le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Boris Vallaud, à l’adresse d’Emmanuel Macron. Les socialistes ont toutefois précisé qu’ils n’accepteraient qu’un gouvernement de gauche, sans les macronistes.

Le chef de l’État devrait plutôt tenter d’élargir son bloc central et de trouver une personnalité de droite ou du centre qui puisse être acceptée par le Parti socialiste.

Mais la tâche s’annonce ardue, tant les partis restent campés sur leurs positions. Plusieurs noms circulent déjà: le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le garde des Sceaux Gérald Darmanin, ou encore le ministre de l’Économie Éric Lombard.

Mouvements sociaux et incertitudes économiques

«Le problème actuel en France, c’est que chacun des partis a des lignes rouges qui rendent totalement impossible la formation d’une coalition. Il n’y a pas de coalition majoritaire qui puisse tenir durablement», estime pour l’AFP Mathieu Gallard, de l’institut Ipsos.

Dans un contexte de défiance généralisée envers Emmanuel Macron, dont la cote de popularité est au plus bas depuis son arrivée au pouvoir en 2017 (77% de mécontents selon un récent sondage), plusieurs échéances plaident pour une vacance du pouvoir la plus courte possible.

Un mouvement «citoyen» né cet été sur les réseaux sociaux sous le slogan «Bloquons tout», soutenu par certains syndicats et la gauche radicale, appelle à paralyser le pays mercredi. Mais la portée réelle de la mobilisation — qui rappelle à certains égards celle des gilets jaunes en 2018-2019 — reste incertaine.

L’ensemble des organisations syndicales a par ailleurs appelé à la grève et aux manifestations le 18 septembre.

Enfin, vendredi, l’agence Fitch doit publier sa nouvelle évaluation de la dette française, avec une possible dégradation de la note dans le contexte actuel d’incertitude.

Par Le360 (avec AFP)
Le 08/09/2025 à 18h36