Le Conseil constitutionnel français a validé vendredi l’essentiel de la réforme des retraites, et bloqué une première demande de référendum d’initiative partagée (RIP) de la gauche.
La décision des Sages a été accueillie par des huées devant l’Hôtel de Ville de Paris, où se sont réuni près de 4.000 manifestants et des centaines de jeunes. «Certains disent que la mobilisation faiblit, moi je crois qu’elle se radicalise», a estimé Raji Aletcheredji, 24 ans, syndiqué Solidaires.
«Cette décision fera date. Je constate qu’on va à terme vers le décès de la Ve République», lance Jean-Marie, enseignant de 50 ans, qui dit osciller «entre détermination et consternation». «C’est scandaleux. Où est la démocratie?», lance Béa, bibliothécaire de 61 ans. Non loin, un quadragénaire se dit «trop abattu» pour réagir à chaud.
«Le Conseil a aggravé la crise»
Le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs «cavaliers sociaux» dont l’index sur l’emploi des seniors qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés. Également censuré, le CDI seniors, un ajout des sénateurs de droite, qui devait faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi de longue durée, de plus de 60 ans.
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Présidé par l’ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius, le Conseil n’a pas suivi les parlementaires de gauche ou du RN qui avaient invoqué un détournement de procédure parlementaire au profit de l’exécutif. Le Conseil reconnaît toutefois le «caractère inhabituel» de l’accumulation de procédures visant à restreindre les débats au Parlement.
«Le Conseil constitutionnel a aggravé la crise, il nous met tous au pied du mur», a lancé le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Le Conseil a également rejeté un projet de référendum d’initiative partagée (RIP) porté par la gauche, qui espérait entamer la collecte de 4,8 millions de signatures en vue d’une inédite consultation des Français. Ils ont déposé une deuxième demande reformulée, sur laquelle le Conseil statuera le 3 mai.
Manifestations et affrontements
Les quatre chefs de files de la Nupes à l’Assemblée nationale ont écrit au chef de l’Etat pour demander, en «geste d’apaisement», de faire revenir le texte au Parlement, comme le lui permet la Constitution. Un appel également lancé par le groupe Liot. Mais le chef de l’Etat est resté sourd à cette demande: l’impopulaire réforme des retraites a été promulguée ce samedi matin au Journal officiel, quelques heures seulement après la décision du Conseil constitutionnel.
Des manifestations se sont déroulées vendredi en fin de journée et en soirée dans plusieurs villes de France, débouchant parfois sur des affrontements avec les forces de l’ordre. Paris, 112 personnes ont été arrêtées selon la préfecture de police.
À Lille, des centaines de manifestants avec à leur tête des jeunes antifas, se sont rassemblés près de la préfecture. Des rassemblements ont eu lieu à Lyon, Toulouse ou encore Grenoble. À Marseille, des manifestants ont envahi vers 20H00 les voies de la gare Saint-Charles, où la circulation des trains a été suspendue jusqu’à 22H30 avant une reprise progressive du trafic. «Là je pense que tout le monde est un peu révolté, désabusé, dégoûté parce que là on s’assoit sur la démocratie en fait», a réagi Marion, 35 ans.
«On nous a craché à la gueule!»
À Rennes, la porte d’un poste de police du centre-ville a été incendiée avant d’être éteint, lors d’un rassemblement réunissant des centaines de personnes. «C’est une déclaration de guerre», a réagi Fabrice Le Restif, secrétaire de l’Union départementale FO d’Ille-et-Vilaine. «On nous a craché à la gueule, on ne va pas se laisser faire».
À Strasbourg, un rassemblement statique autorisé a réuni 600 à 700 personnes dans le centre, avant de se diriger en «manif sauvage» dans les quartiers bordant l’hypercentre, où il a été accueilli par les gaz lacrymogènes des forces de l’ordre.
À Bordeaux, après un rassemblement d’environ 400 personnes, une partie d’entre elles ont manifesté à partir de 20H00, dont une bonne partie de manifestants radicaux qui ont causé des dégâts – poubelles brûlées, abribus cassés, vitrines de banques brisées – et lancé des projectiles sur les forces de l’ordre. Celles-ci ont riposté avec des gaz lacrymogènes.
«Ce n’est pas fini», a prévenu Sophie Binet,la numéro un de la CGT. Le président «ne peut pas gouverner le pays tant qu’il ne retire pas cette réforme». L’intersyndicale a déjà déclaré qu’elle n’acceptera pas l’invitation lancée par Emmanuel Macron et qu’lle ne souhaite pas d’échange avec l’exécutif avant le 1er mai, pour lequel le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger promet de «grandes manifestations populaires». Visiblement, malgré la promulgation de la nouvelle loi, l’épisode de la réforme des retraites n’est pas encore fermé.