Le sujet est d'autant plus sensible que l'examen du texte intervient au lendemain d'une attaque menée à Bayonne par un ancien candidat du Front national (devenu Rassemblement National), de 84 ans, contre une mosquée, qui a fait deux blessés graves.
Suite à cette attaque, la sénatrice (ex-PS) des Bouches-du-Rhône Samia Ghali a appelé le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau à renoncer à l'examen de cette proposition de loi. "Ce serait un geste de sagesse", a-t-elle dit sur franceinfo, d'autant qu'elle juge la proposition de loi "déjà dangereuse et haineuse".
"Les Républicains devraient peut-être s'interroger sur l'opportunité aujourd'hui d'avoir ce débat-là", a également estimé sur LCI le député LREM Aurélien Taché, représentant de l'aile gauche de la majorité et farouche opposant du texte.
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Mais Bruno Retailleau leur a opposé une fin de non-recevoir, estimant dans un tweet que mettre le texte "sous le tapis serait la pire des choses à faire".
Reste que le terrain, avant même l'attaque à Bayonne, était déjà miné. La proposition de loi "tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes qui participent au service public de l'éducation", a été déposée en juillet. Depuis, la polémique sur le port du voile a été relancée par un élu du RN et la droite ne cesse de presser Emmanuel Macron de s'exprimer sur la laïcité.
Le chef de l'Etat, tout en refusant de "céder à la précipitation", a exhorté lundi les représentants du culte musulman à "combattre" davantage l'islamisme et le communautarisme.
Le texte examiné dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg à partir de 14h30 vise à modifier le code de l'éducation pour étendre "aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l'enseignement dans ou en dehors des établissements" l'interdiction des signes religieux ostensibles posée par la loi de 2004.
Si la proposition de loi portée par la sénatrice du Val d'Oise Jacqueline Eustache-Brinio est adoptée en première lecture par le Sénat, elle n'aura aucune incidence légale, tant qu'elle n'aura pas été votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle.
Pour Jacqueline Eustache-Brinio, il s'agit de combler "un vide juridique" afin d'éviter de laisser aux chefs d'établissements la responsabilité de trancher.
"La sortie scolaire est-elle un temps éducatif? Oui. Celui qui accompagne une classe est donc un acteur de service public et ne peut pas porter de signes distinctifs", soutient le président LR du Sénat Gérard Larcher.
"Je veux bien que le collaborateur occasionnel du service public soit tenu par l'ensemble des obligations de l'agent public. Mais dans ce cas, si j'étais collaborateur occasionnel du service public, je demanderais à être payé !", rétorque un ministre.
"Et après, vous aurez d'autres problèmes. Vous aurez la mère voilée qui vient au conseil de classe. Et on dira quoi? Que le conseil de classe ce n'est pas une activité scolaire? C'est moins scolaire que la sortie au cinéma ou à la piscine?", ajoute-t-il.
Le rapporteur du texte, Max Brisson (LR), souligne que l'interdiction de tenues ou de signes manifestant "de manière ostensible" une appartenance religieuse ne s'appliquerait pas aux parents participant à la fête de l'école, qui n'est pas une activité liée à l'enseignement, ni lorsqu'ils viennent à l'école pour rencontrer les enseignants.
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Alors que les centristes sont partagés, socialistes et communistes voteront contre le texte. "Ce sont ceux qui défendent le plus l'école privée catholique qui sont les plus favorables à la neutralité dans l'école publique", a lancé David Assouline (PS) lors de l'examen du texte en commission. Pour le sénateur de Paris, relancer le débat renforce deux forces, le Rassemblement national et les islamistes.
"Chaque fois qu'on arrive en période électorale", on réduit "les maux de la France" à "l'islam" et aux "musulmans", avait déploré dimanche auprès de l'AFP Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM) et président de l'Observatoire national contre l'islamophobie.