Le Congrès américain a franchi une étape majeure dans la redéfinition de sa politique syrienne en approuvant, mercredi, la levée définitive des sanctions imposées par les États-Unis contre Damas. Cette décision marque un tournant historique après plus d’une décennie d’isolement diplomatique et économique de la Syrie, ravagée par treize années de guerre civile. Elle ouvre la voie à un retour progressif des investissements étrangers et à une normalisation des relations économiques avec l’Occident, dans un contexte régional profondément recomposé.
Cette évolution législative s’inscrit dans une dynamique plus large de réajustement stratégique de Washington au Moyen-Orient. Longtemps considérée comme un outil de pression politique, la politique de sanctions faisait l’objet de critiques croissantes, y compris au sein des cercles économiques américains, qui pointaient son inefficacité à produire des changements politiques durables et ses effets humanitaires indirects.
L’abrogation d’une loi dite «Caesar», adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.
Ce large vote bipartisan au Sénat souligne l’ampleur du consensus politique autour de la nécessité de tourner la page d’un dispositif jugé contre-productif. La loi Caesar, du nom d’un ancien photographe militaire syrien ayant documenté des exactions du régime Assad, avait été conçue comme un instrument de dissuasion maximale. Mais son maintien apparaissait de plus en plus déconnecté de la réalité politique syrienne actuelle.
La Chambre des représentants s’était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d’être promulgué par le président américain.
Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l’abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l’annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les États-Unis.
Ces suspensions temporaires avaient déjà permis certains signaux de détente, sans toutefois lever les incertitudes juridiques pesant sur les acteurs économiques. Tant que la loi demeurait en vigueur, même gelée, elle constituait un frein majeur à tout engagement financier international, notamment en raison du risque de sanctions secondaires.
Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme «ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde».
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.
Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu’elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu’elle n’était pas abrogée.
Sur le plan politique, cette levée définitive consacre également la reconnaissance internationale du nouveau leadership syrien. Elle intervient dans un contexte de réhabilitation diplomatique accélérée, marquée par des rencontres de haut niveau entre Damas et Washington.
Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d’État syrien depuis l’indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l’ancien jihadiste qui, en moins d’un an au pouvoir, a sorti son pays de l’isolement.
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Donald Trump l’avait déjà rencontré lors d’un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.
Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.
L’enjeu est colossal: infrastructures détruites, réseaux énergétiques à reconstruire, logements à rebâtir et services publics à relancer. Sans accès aux circuits financiers internationaux, cette reconstruction demeurait illusoire.
«L’abrogation aujourd’hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables», s’est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.












