Mais un nombre grandissant d'Etats démocrates, déterminés à défendre les immigrés face au durcissement migratoire du gouvernement Trump, sont en train de changer les choses.
Une quinzaine d'entre eux, dont les bastions démocrates de New York et du New Jersey, ont décidé de délivrer aux sans-papiers ce précieux sésame, souvent utilisé à travers les Etats-Unis comme principal document d'identité.
Pendant 13 ans, Luis Jimenez, Mexicain, a conduit sans permis dans sa région de Rochester, dans le nord de l'Etat de New York, près de la frontière canadienne.
Lire aussi : Le Québec instaure un nouveau «test» pour la sélection des immigrants
"Notre rêve à tous est de conduire sans peur d'être arrêtés par des policiers, sans peur qu'ils appellent la police migratoire et qu'on soit expulsé", a indiqué à l'AFP ce travailleur agricole sans-papiers, employé dans une ferme 12 heures par jour, six jours par semaine.
Grâce à une nouvelle loi new-yorkaise, entrée en vigueur le 14 décembre, Luis Jimenez a pu pour la première fois déposer une demande de permis.
"C'est un soulagement! Fini l'isolement, qui se résumait à des allers-retours maison-travail", se réjouit ce père de trois enfants qui préside l'Alliance agricole, association d'ouvriers agricoles immigrés qui réclamait depuis des années un tel droit.
L'Etat de Washington (nord-ouest) fut le premier à délivrer des permis de conduire aux sans-papiers, en 1993.
Plusieurs Etats, en majorité contrôlés par les démocrates, ont suivi récemment son exemple. Le New Jersey, dont le gouverneur démocrate Phil Murphy a ratifié une loi en ce sens jeudi, est le 14e Etat (plus la capitale Washington) à adopter une telle mesure.
Les autorités ont néanmoins averti qu'il faudrait au moins un an avant la délivrance des premiers permis.
Six autres Etats au moins examinent des projets de loi similaires.
Lire aussi : Migrants: menaces et grands moyens de Trump contre le Mexique
Les défenseurs de ces lois affirment qu'autoriser les sans-papiers à passer le permis améliorera la sécurité routière, leur permettra de prendre une assurance et profitera à l'économie des villes où sont délivrés les permis.
Mais beaucoup de républicains, qui soutiennent la lutte contre l'immigration illégale dont Donald Trump a fait son grand combat, sont furieux.
La "loi du feu vert", comme elle est surnommée, "nuit à la police des frontières et à la police migratoire", a notamment déploré Mark Morgan, patron de la police des douanes et des frontières américaine (CBP), après l'entrée en vigueur de la loi new-yorkaise.
Cette loi autorise en effet non seulement la délivrance de permis aux sans-papiers, mais interdit aussi aux autorités migratoires d'accéder aux données sur les permis, sauf demande expresse d'un juge.
D'autres soulignent que la loi encourage l'immigration illégale et pourrait faciliter la fraude, électorale notamment.
"Je m'oppose à cette loi car elle confère des privilèges à des gens qui violent sciemment nos lois", a déclaré un député républicain du New Jersey, Erik Peterson, qui s'est opposé à la loi adoptée dans cet Etat.
Les permis délivrés aux immigrés sont cependant plus restrictifs que ceux remis aux citoyens américains et aux immigrés légaux: ils ne peuvent pas être utilisés pour voter ou comme pièce d'identité sur les vols intérieurs.
Dans l'Etat de New York, quelques responsables locaux du Department of Motor Vehicles (DMV), l'administration qui délivre les permis, ont attaqué la nouvelle loi devant la justice, arguant qu'ils ne pouvaient pas vérifier l'authenticité de documents étrangers, tels les passeports que présentent les sans-papiers pour déposer leur demande.
Mais ils ont été déboutés, et sont censés désormais appliquer le texte.
Ces derniers jours, de longues files d'immigrés se sont formées devant les bureaux new-yorkais du DMV, impatients d'enregistrer leur demande.
"Maintenant je vais pouvoir aller librement, sans peur, au travail et chercher mes enfants à l'école et faire des courses. Ici la voiture, c'est un outil, pas un luxe", confie Noé, employé dans la construction qui n'a donné que son prénom par peur de la police, en faisant la queue à Brooklyn.
Lire aussi : En Finlande, l'intégration des migrants par le vélo
Ce Hondurien de 40 ans conduisait lui aussi jusqu'ici sans permis, écopant de plusieurs amendes de 400 dollars chacune.
José Hernandez, Mexicain de 35 ans, livreur à bicyclette pour des restaurants, faisait lui aussi la queue dans l'espoir que son permis lui permette de décrocher "un meilleur emploi", comme chauffeur de taxi ou d'Uber.
Luis Jimenez, l'ouvrier agricole de la région de Rochester, s'imagine lui partir en vacances, pour la première fois en 15 ans. "J'ai toujours voulu emmener mes enfants à la plage", dit-il.