«Je suis la première personne inculpée à devenir encore plus populaire», s’est récemment amusé l’ancien président américain dans l’Iowa, une plaisanterie de plus en plus à propos. Car le milliardaire de 77 ans a de quoi se féliciter: bien qu’il soit inculpé dans deux affaires et menacé d’autres inculpations dans deux autres dossiers sensibles, sa popularité reste intacte auprès de sa base électorale.
Depuis son inculpation en mars pour plusieurs fraudes comptables, Donald Trump plane en tête des sondages pour l’investiture républicaine -dont il reste l’immense favori. Il creuse même l’écart avec le numéro 2, le gouverneur de Floride Ron DeSantis. Selon un sondage publié lundi et réalisé pour le New York Times/Siena College, l’ex-président le dépasse désormais de 37 points.
Pourtant, les déboires judiciaires de Donald Trump n’ont cessé de s’aggraver au cours des derniers mois. Après avoir été condamné en mai par un tribunal civil de New York pour une agression sexuelle datant de 1996, il a été inculpé au niveau fédéral en juin et juillet dans l’affaire des archives de la Maison Blanche. Il est notamment accusé dans ce dossier d’avoir mis la sécurité des États-Unis en péril en emportant avec lui des documents classés « confidentiel » après son départ de la Maison Blanche en janvier 2021.
Ennemis communs
Selon des experts, la popularité de M. Trump s’explique notamment par sa capacité à parler aux classes populaires ouvrières, qui se sentent laissées pour compte et abandonnées par le gouvernement et les «élites».
«Les accords de commerce multilatéraux, la libre circulation, les guerres sans fin et la mondialisation ont laissé beaucoup de travailleurs américains sans emploi et sans grandes perspectives d’avenir», fait valoir auprès de l’AFP Michael J. O’Neill, de l’association conservatrice juridique Landmark Legal Foundation.
«Trump donne une voix à cette partie de la population», ajoute-t-il, «ses soutiens voient Trump comme un non-conformiste, qui n’est pas redevable des élites enracinées, et essaie tous les jours d’offrir aux Américains une vie meilleure».
Pour David Greenberg, professeur de journalisme et d’histoire à l’université de Rutgers, Donald Trump et ses irréductibles soutiens ont réussi à renforcer leur cohésion face à «un groupe d’ennemis communs», qui comprend désormais les acteurs du système judiciaire. «Donc quand Trump est inculpé, il s’agit uniquement pour eux d’une preuve de plus que leur homme, leur champion, est visé par des forces en qui ils n’ont aucune confiance», souligne M. Greenberg.
«Contrôler le récit»
Donald Trump a quitté la Maison Blanche en 2021, après avoir été visé durant son mandat par deux procès en destitution: l’un pour des pressions exercées sur l’Ukraine afin qu’elle lui donne des éléments embarrassants sur Joe Biden et l’autre sur son rôle dans l’attaque du Capitole.
Il avait été acquitté dans les deux dossiers grâce à la majorité républicaine au Sénat. Mais plusieurs de ses soutiens ont été reconnus coupables et condamnés dans ces affaires, dont son directeur de campagne de 2016 ou encore son avocat personnel.
Son entreprise, la Trump Organization a été condamnée en janvier à New York à une amende maximale de 1,6 million de dollars pour fraudes financières et fiscales, une première au pénal pour le groupe, en attente d’un autre procès au civil à l’automne.
Le magnat pourrait également être inculpé prochainement dans le cadre de l’enquête fédérale, menée par le procureur spécial Jack Smith, sur ses tentatives de renverser le résultat de l’élection de 2020 et dans une enquête en Géorgie sur ses pressions exercées afin d’altérer le résultat de la présidentielle dans cet État du Sud.
Toutes ces accusations sont balayées en bloc par le républicain, qui continue de crier avec ferveur à la «chasse aux sorcières». Avec un certain succès. «Trump a fait un excellent travail en ne faisant pas que contrôler le récit, mais aussi en le devançant», reconnaît auprès de l’AFP Amani Wells-Onyioha, analyste politique pour un groupe démocrate.