"J'ai proposé la dissolution du Parlement et la convocation d'élections législatives pour le 28 avril", a déclaré devant la presse le dirigeant socialiste, en poste depuis à peine huit mois.
Un pari risqué alors que, selon plusieurs sondages récents, son parti pourrait arriver en tête mais sans alliés suffisants pour gouverner. Une majorité que seraient en revanche en mesure de former le Parti populaire (PP, droite), Ciudadanos, (libéral) et le parti d'extrême droite en pleine expansion, Vox.
À la tête du gouvernement le plus minoritaire de l'histoire espagnole, Sanchez n'aura donc pas réussi à maintenir la fragile majorité formée par les socialistes, la gauche radicale, les indépendantistes catalans et les nationalistes basques, qui lui avait permis de renverser le 1er juin Mariano Rajoy (PP).
Les séparatistes catalans ont en effet rejeté mercredi au Parlement, avec la droite, son budget au lendemain de l'ouverture à Madrid du procès de la tentative de sécession de la Catalogne de 2017 et quelques jours après une rupture du dialogue avec le gouvernement alors qu'ils continuaient d'exiger un référendum d'autodétermination, inacceptable pour Madrid.
Devant la presse, Pedro Sanchez est passé en mode campagne, vantant l'action de son bref gouvernement, le plus féminin de l'histoire espagnole: augmentation de 22% du salaire minimum, mesures contre les violences faites aux femmes, embauche de fonctionnaires...
Et il a défendu sa tentative, infructueuse, de dialogue avec les séparatistes catalans qui a précipité sa chute. "Je crois qu'avec le dialogue, nous pouvons trouver la voie pour résoudre nos divergences (...). Je suis partisan de prendre le taureau par les cornes", a-t-il lancé.
Avant de dégainer contre la droite, accusée d'avoir "utilisé les institutions à des fins partisanes" pour "paralyser" plusieurs mesures comme la réglementation de l'euthanasie ou l'abrogation d'une loi sécuritaire controversée.
Tout sourire, le numéro un du PP, Pablo Casado, s'est félicité d'avoir "fait tomber Sanchez" après que sa formation a mobilisé avec Ciudadanos et Vox des dizaines de milliers de personnes à Madrid dimanche pour réclamer des élections et dénoncer les "cessions intolérables" de Pedro Sanchez aux séparatistes.
Ces trois partis ont déjà scellé en janvier une majorité au niveau régional en Andalousie (sud) pour chasser les socialistes de leur fief historique.
"Nous allons décider si l'Espagne doit continuer d'être otage des partis qui veulent la détruire" ou si "le Parti populaire peut parvenir à des accords avec d'autres forces politiques pour stopper le défi séparatiste", a ajouté Pablo Casado.
Selon la chercheuse en sciences politiques Berta Barbet, Pedro Sanchez pense qu'en convoquant des élections rapidement, il pourrait minimiser l'impact d'un possible vote-sanction en donnant "peu de temps" à la droite "pour se coordonner". Car "avec le temps, cette menace (de la droite et de l'extrême droite) ne fera qu'empirer".
La convocation d'élections "représente la fin d'une législature atypique, mouvementée", entamée en 2016, assure pour sa part à l'AFP Paloma Roman, politologue à l'université Complutense de Madrid.
Car en moins de quatre ans, le bipartisme a volé en éclats, la Catalogne a tenté de faire sécession, un chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a été renversé pour la première fois en quarante ans par un adversaire, Pedro Sanchez, pourtant battu dans les urnes.
Et les élections qui se profilent fin avril pourraient ne rien résoudre. Avec l'irruption de Vox, la chambre des députés pourrait battre un nouveau record de partis représentés et les indépendantistes, toujours au pouvoir en Catalogne et furieux du procès en cours à Madrid, seront des moins enclins à négocier.
Pour Steven Trypsteen, analyste chez ING, une éventuelle majorité Ciudadanos-PP-Vox risque d'augmenter "les tensions entre le gouvernement central et la Catalogne". Et si les voix des nationalistes basques et catalans sont indispensables pour gouverner, c'est un nouveau "blocage politique" qui s'annonce.