Pourquoi taxer les plus fortunés?
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, dont le pays est cette année à la tête du G20, a fait de la fiscalité des plus fortunés un de ses chevaux de bataille, avec la lutte contre la faim.
«Les super-riches payent proportionnellement beaucoup moins d’impôts que la classe ouvrière», dénonçait encore en juillet Lula, lui-même ancien métallo.
Certains millionnaires autoproclamés «patriotes» appellent eux-mêmes à se faire taxer davantage mais le slogan «Tax the rich» s’est surtout imposé ces dernières années dans les milieux de gauche, pour lutter contre la montée des inégalités.
D’après l’ONG Oxfam, sur les deux dernières décennies, la richesse des 1% les plus riches dans les pays du G20 a bondi de près de 150% en valeur réelle, en excluant l’effet de l’inflation, pour atteindre 68.700 milliards de dollars. La part de la richesse totale qu’ils contrôlent est ainsi passée de 26% à 31% - quand la moitié la plus pauvre de la population a vu la sienne passer de 6% à moins de 5%.
Imposer davantage les plus fortunés apparaît aussi comme une source de financement potentielle à l’heure où les déficits de beaucoup de pays dérapent et où les besoins pour l’adaptation au changement climatique augmentent.
L’économiste franco-américain spécialiste des inégalités Gabriel Zucman, à qui la présidence brésilienne du G20 a commandé un rapport sur le sujet plus tôt cette année, a estimé que si les 3.000 milliardaires de la planète payaient au moins l’équivalent de 2% de leur fortune en impôts sur le revenu, cela pourrait rapporter 250 milliards de dollars supplémentaires.
Que dit le G20?
L’idée d’un impôt minimum mondial, encouragée par Lula mais aussi par la France, l’Afrique du Sud, l’Espagne et l’Union africaine, n’a pas fait consensus.
Mais les ministres des Finances du G20 s’étaient engagés à «coopérer» pour que les super-riches soient davantage taxés lors d’une première réunion à Rio en juillet. C’était la première fois que cette idée était mentionnée dans un communiqué du G20.
Elle est désormais endossée au plus haut niveau, celui des chefs d’Etat et de gouvernement, qui écrivent lundi dans leur déclaration commune: «Dans le plein respect de la souveraineté fiscale, nous chercherons à nous engager de manière coopérative afin d’assurer que les personnes très fortunées soient effectivement taxées.»
Gabriel Zucman a salué une «décision historique». Viviana Santiago d’Oxfam Brésil parle d’un «engagement révolutionnaire».
Et après?
«Il est temps maintenant de passer des paroles aux actes et de lancer une négociation internationale inclusive, s’étendant au-delà des pays du G20 sur la réforme de la taxation des super-riches», a jugé Gabriel Zucman.
«Nous ne nous reposerons pas tant que ceci n’aura pas débouché sur un vrai changement pour les gens et la planète», assure Viviana Santiago. «Cela veut dire une norme mondiale qui fixe des taux d’imposition suffisamment élevés pour réduire l’inégalité et lever les milliers de milliards de dollars nécessaires pour s’attaquer à la crise climatique et de la pauvreté.»
L’affaire n’est pas gagnée.
«Sans faire obstacle à la déclaration des autres leaders du G20″, le président argentin Javier Milei a annoncé qu’il rejetait «plusieurs points» de la déclaration finale, «surtout l’idée qu’une plus grande intervention de l’Etat est le moyen de lutter contre la faim», dans un communiqué officiel.
Et son grand allié Donald Trump, qui fera son retour en janvier à la Maison Blanche, a carrément promis de baisser les impôts.
L’un des soutiens de poids du républicain durant sa campagne a été l’homme le plus riche du monde, le patron de Tesla et propriétaire de X (ex-Twitter) Elon Musk. Et sur le classement des milliardaires de Forbes, les trois quarts des 20 personnalités les plus riches du monde ont la nationalité américaine.