Pendant des décennies, la Floride, dans le sud-est des Etats-Unis, a servi de résidence en exil à d'anciens hommes forts, autocrates, et est devenue plus récemment l'Etat d'adoption de Donald Trump.
Parmi eux: Gerardo Machado, surnommé le «Mussolini tropical» quand il était à la tête de Cuba il y a près d'un siècle, mais aussi le dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza Debayle, qui s'est réfugié en 1979 dans une villa de Miami après avoir été renversé mais dont la demande d'asile a été rejetée.
Dans des scènes évoquant celles de l'assaut du Capitole de Washington le 6 janvier 2021, des partisans de Jair Bolsonaro ont saccagé dimanche à Brasilia le Palais présidentiel, le Congrès et la Cour suprême.
Ils ont appelé, en vain, les militaires à intervenir contre Lula, dont la récente investiture en tant que président avait été boudée par son prédécesseur.
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Soutien sans failleSi Biden a offert son «soutien sans faille» à la démocratie brésilienne dans un appel à Lula, certains élus américains veulent que Washington aille plus loin et expulsent Jair Bolsonaro des Etats-Unis.
«Les terroristes intérieurs et les fascistes ne doivent pas être autorisés à utiliser le modèle Trump pour saper la démocratie», a écrit sur Twitter l'élu démocrate Joaquin Castro. «Bolsonaro ne doit pas avoir le gîte offert en Floride, où il se cache pour ne pas avoir à rendre de comptes pour ses crimes», a-t-il ajouté.
Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a déclaré que les Etats-Unis n'avaient pas reçu de demande du Brésil à propos de Jair Bolsonaro, mais qu'ils traiteraient une telle requête «sérieusement».
Pour Valentina Sader, une responsable au Centre pour l'Amérique latine du cercle de réflexion Atlantic Council, «l'embarras est normal, d'une certaine manière». «Ce qui s'est passé au Brésil a poussé les Etats-Unis dans le débat, car le président Bolsonaro était ici», explique la chercheuse.
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Bolsonaro, qui a condamné sur Twitter les «déprédations et invasions de bâtiments publics», a déclaré lors d'une interview avec CNN Brésil qu'il comptait initialement retourner au pays à la fin du mois, mais devrait finalement rentrer avant cela, pour des raisons de santé.
L'ancien président d'extrême droite a été en effet hospitalisé dimanche en Floride pour une «adhérence» intestinale, conséquence encore de l'attentat à l'arme blanche dont il a été victime en septembre 2018. Il en est sorti mardi soir.
Steve Bannon et Bolsonaro filsMais s'il ne compte pas s'éterniser en Floride, M. Bolsonaro -parfois surnommé le «Trump des Tropiques»- n'a pas manqué de rencontrer nombre de ses partisans dans cet Etat américain où résident près d'un quart des Brésiliens aux Etats-Unis.
Aucune rencontre entre Bolsonaro et Trump n'a été annoncée depuis que le premier est arrivé en Floride, mais son fils, Eduardo Bolsonaro, est resté proche de Steve Bannon.
L'ancienne éminence grise de Donald Trump a appelé à une enquête sur le système brésilien de vote électronique, reconnu pourtant à l'échelle mondiale, et depuis longtemps, pour son efficacité.
Condamné en octobre à quatre mois de prison pour avoir refusé de coopérer avec l'enquête parlementaire sur l'assaut du Capitole, cet artisan de la victoire de Donald Trump en 2016 fait la promotion à l'étranger de son idéologie nationaliste, notamment auprès de partis européens d'extrême droite.
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Pour Thomas Carothers, un expert sur la démocratie au centre Carnegie Endowment for International Peace, Donald Trump a élevé le déni électoral au rang de mouvement international. Et le Brésil en fait les frais selon lui, en raison des forts parallèles qui peuvent être tirés avec les Etats-Unis. Au-delà de l'alliance Trump-Bolsonaro, le Brésil a vu la religion jouer un rôle croissant en politique, et un gouffre s'est davantage creusé entre les zones urbaines et rurales.
Mais pour Thomas Carothers, d'autres pays sont à surveiller, dont la Turquie ou le Mexique, où le président Andres Manuel Lopez Obrador a appelé à une réforme d'ampleur du système électoral. Le déni électoral «n'est pas vraiment une idée nouvelle», affirme-t-il.
«Simplement Trump l'a mis en avant comme stratégie, et a affiché à la face du monde que même aux Etats-Unis, vous pouvez remettre en question les élections», estime Thomas Carothers.