Ces forces se partagent, au Parlement, en deux groupes politiques entre lesquels divergences et tensions ne manquent pas: toutes les tentatives de rassemblement ont jusqu’à présent échoué.
D’un côté, les Conservateurs et réformistes européens (ECR). De l’autre, Identité et démocratie (ID).
«ECR est pro-Ukraine, pro-élargissement, pro-Otan, ID est ambigu vis-à-vis de la Russie, anti-atlantiste, anti-élargissement», résume Peggy Corlin, de la Fondation Robert Schuman.
Le premier compte dans ses rangs Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, le parti Droit et Justice (PiS) polonais, Vox (Espagne), Reconquête (France). Le second réunit entre autres le Rassemblement national français, la Ligue italienne, l’AfD allemand et le PVV de Geert Wilders qui a remporté les élections aux Pays-Bas en novembre.
«ECR est plus inséré dans le jeu politique européen et dans le jeu institutionnel», poursuit Peggy Corlin. Il compte deux dirigeants -Meloni et le Premier ministre tchèque Petr Fiala-, ainsi qu’un commissaire européen, le Polonais Janusz Wojciechowski.
À l’égard d’ID, en revanche, a prévalu jusqu’à présent un «cordon sanitaire».
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«Le groupe va prendre de l’importance, à tel point je pense qu’on ne pourra pas nous opposer le cordon sanitaire qu’on nous a opposé en 2019», espère l’eurodéputé français Jean-Paul Garraud (RN).
Pourtant même au sein d’ID, des tensions apparaissent entre la volonté de normalisation d’un parti comme le RN et les accointances néo-nazies de certains membres de l’AfD.
Illustration: Marine Le Pen a récemment pris ses distances avec ce parti après les révélations sur la participation de plusieurs dirigeants de l’AfD à une réunion lors de laquelle a été discuté un projet d’expulsion massive de personnes étrangères ou d’origine étrangère, y compris de citoyens allemands.
«On veut des éclaircissements sur ce qui s’est passé, et surtout sur la ligne politique de l’AfD. On veut être en accord avec nos alliés», explique à l’AFP Jean-Paul Garraud, qui a rencontré «à plusieurs reprises des responsables de l’AfD depuis cette affaire». «Le problème, c’est d’expulser des nationaux. Ça, nous ne sommes pas d’accord», commente-t-il.
«On verra ce que ça va donner»
Face à la montée annoncée de ces deux familles politiques, les trois principaux groupes, le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes & Démocrates et Renew Europe (centristes), autour desquels se forment généralement les majorités, sont donnés en recul.
Cette grande coalition pourrait peiner à dégager des majorités sur certains sujets. Le PPE, qui devrait rester la première force politique, n’a pas exclu de travailler avec ECR. Mais la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a récemment prévenu qu’elle ne coopérerait jamais «avec les amis (du président russe Vladimir) Poutine» ni avec les ennemis de «l’État de droit».
Une allusion voilée au parti Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban, dirigeant qui a maintenu des liens étroits avec Moscou malgré la guerre en Ukraine et a régulièrement maille à partir avec Bruxelles. Le parti est en négociations pour rejoindre ECR.
«On verra ce que ça va donner», lance prudemment Ákos Bence Gát, expert du think tank MCC Brussels soutenu par le gouvernement hongrois.
«Pour moi ce qui est important c’est que la droite souverainiste puisse s’unir et trouver une forme de coopération efficace», poursuit-il, voyant des terrains d’entente sur la défense d’une «Europe des nations», des «valeurs traditionnelles», de la question de l’identité nationale et de la lutte contre «l’immigration massive».
L’arrivée du Fidesz dans ECR pourrait cependant pousser certains partis à envisager de quitter ce groupe, comme le Parti des Finlandais ou les Démocrates de Suède, selon la chercheuse Sanna Salo, de l’Institut finlandais des Affaires internationales.
Mais au-delà des questions de coalition, un virage électoral à droite est de nature à «influencer l’agenda», si par exemple «les gouvernements voient que l’opinion publique veut des politiques migratoires et climatiques restrictives», note-t-elle.
Sur le thème de l’immigration, le PPE semble avoir déjà infléchi sa position dans ce sens: son manifeste prône l’envoi des demandeurs d’asile vers des pays tiers considérés comme «sûrs», à l’instar par exemple du plan du Royaume-Uni avec le Rwanda.