«Nous n’avons pas une minute à perdre dans cette cruciale dernière ligne droite», presse Simon Stiell, secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, jugeant que «les plus hauts niveaux d’ambition sont possibles» sur les deux sujets indissociables au coeur des derniers pourparlers: la sortie progressive des énergies fossiles et l’aide financière pour les pays les plus pauvres.
Signe de la fébrilité des négociations à la veille de la fin prévue de la conférence, plusieurs événements publics annoncés ont été annulés à la dernière minute lundi. Un nouveau projet d’accord est attendu ce lundi par des responsables désormais proches de l’épuisement. «Nous attendons toujours le texte», indique le responsable d’un gros bloc de pays en début de matinée, dépité de n’avoir toujours pas de nouvelles options à commenter.
Ce nouveau document lancera un intense sprint de tractations, potentiellement suivi d’une ou plusieurs nuits blanches pour des milliers de délégués et d’observateurs. En 28 ans, les COP ont rarement fini à l’heure. Mais le déterminé président émirati de la COP28, Sultan Al Jaber, patron de la compagnie pétrolière nationale, a promis un accord «historique» dès le 12 décembre, jour anniversaire de l’accord de Paris, dont il assure que l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, sérieusement menacé, est «son étoile polaire». «Tout le monde doit faire preuve de flexibilité», a-t-il lancé dimanche. «Nous devons avancer beaucoup, beaucoup, beaucoup plus vite».
Le nouveau texte, probablement ponctué d’options ou de formulations entre parenthèses, devra comporter des compromis. Jusqu’à présent, les délégués et ministres des pays n’ont guère progressé malgré des négociations frénétiques et de multiples bilatérales plus discrètes dans la fourmilière du parc des Expositions de Dubaï. Les camps attendent le nouveau texte pour véritablement «dévoiler leurs cartes», explique une source proche de la présidence de la COP.
Le jeu saoudien
De plus en plus isolés, l’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole, l’Irak et quelques alliés campent sur leurs positions hostiles à toute sortie ou réduction des énergies fossiles, comptant sur les technologies balbutiantes de captage du carbone et brandissant la menace d’un bouleversement de l’économie mondiale.
Pourtant, des ONG aux négociateurs, les participants expriment le même sentiment qu’un accord n’a jamais été aussi proche pour signaler le début de la fin du pétrole, du gaz et du charbon, dont la combustion depuis le XIXème siècle a permis l’essor économique mondial, au prix d’un réchauffement de 1,2°C.
Lors d’une grande réunion dimanche, des ministres du monde entier ont souscrit les uns après les autres à la sortie des énergies fossiles. La Chine, vue comme peu allante au début de la COP, est unanimement décrite comme «constructive» en coulisses.
Gages de développement
En dehors d’un éventuel appel à la sortie progressive des énergies fossiles, leur sort pourrait être mentionné par ricochet dans l’objectif de tripler d’ici 2030 la capacité des énergies renouvelables dans le monde, en conditionnant l’effacement du charbon et des hydrocarbures à la montée en puissance des énergies propres.
Cela ferait écho à la déclaration commune en novembre par la Chine et les États-Unis, dans laquelle les deux premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre (41% à eux deux) évitaient de parler de «sortie» des fossiles pour dire que les énergies renouvelables (solaire, éolien...) devaient graduellement remplacer les fossiles.
Mais un grand accord final dépend aussi des gages donnés aux pays émergents, comme l’Inde, qui produit encore les trois quarts de son électricité en brûlant du charbon, et aux pays en développement qui exigent des pays riches de l’aide pour installer l’énergie solaire ou les éoliennes dont ils auront besoin, ou pour s’adapter aux ravages du changement climatique (digues, bâtiments, santé, agriculture...)