Le mois dernier, la publication de ce rapport officiel avait provoqué deux ondes de choc.
La première, parce qu’il comportait d’importantes révisions du nombre d’emplois créés par la première économie mondiale les mois précédents, révélant un marché du travail plus fragile qu’on ne l’avait imaginé.
La seconde, parce que le président américain avait aussitôt décidé de limoger Erika McEntarfer, responsable du Bureau of Labor Statistics (BLS), à l’origine du rapport. Il a affirmé, sans fournir de preuves, que les chiffres avaient été «bidonnés» à des fins politiques.
Cette décision avait stupéfié économistes et opposants politiques, qui l’ont accusé de «tuer le messager» plutôt que d’assumer les conséquences de sa politique économique, notamment ses droits de douane massifs perturbant les chaînes de production.
Donald Trump entend nommer à la tête du BLS EJ Antoni, un économiste issu d’un centre de réflexion conservateur qui soutient sans réserve sa politique. La nomination n’a pas encore été confirmée par le Sénat, à majorité républicaine.
«Les plus fiables au monde»
Vendredi, les analystes anticipent une légère hausse du chômage en août, à 4,3%, et un ralentissement des créations d’emplois (autour de 75.000), selon le consensus publié par MarketWatch.
Ces données pourraient achever de convaincre la Réserve fédérale (Fed) d’abaisser ses taux pour soutenir l’économie lors de sa réunion du 17 septembre.
La question de la fiabilité des statistiques reste néanmoins posée.
Sans croire à une manipulation politique, les économistes interrogés par l’AFP estiment que les fortes révisions du BLS s’expliquent surtout par les retards croissants de réponse des entreprises sondées, ce qui rend les estimations initiales moins précises.
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«Je ne pense pas que les chiffres soient influencés politiquement. En revanche, il y a des marges d’amélioration dans la collecte des données», observe Kathy Bostjancic, cheffe économiste de Nationwide, qui considère que les publications des agences officielles américaines restent «les plus fiables au monde».
Dan North, économiste chez Allianz Trade North America, espère pour sa part que le thermomètre «le plus important» de la santé économique n’est pas faussé: «Les gens lambda se moquent de savoir si la croissance est de 2,1% ou 2,3%. Ce qui leur importe, c’est d’avoir un travail ou de voir leur voisin en avoir un.»
«Comme paralysées»
Les chiffres reflètent par ailleurs imparfaitement les évolutions en cours, relèvent Kathy Bostjancic et Gregory Daco, économiste chez EY.
Selon eux, le taux de chômage s’est maintenu dans une zone de plein-emploi (entre 4% et 4,2%) seulement parce que la population active — c’est-à-dire les personnes travaillant ou cherchant un emploi — s’est rétrécie, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle.
«Des personnes sortent de la population active. Elles n’ont pas d’emploi mais ne sont pas non plus comptées comme chômeurs. Cela maintient artificiellement le taux de chômage bas, mais cela ne crée pas de revenus», explique Kathy Bostjancic.
Elle souligne que beaucoup ont pu être découragés par le manque d’opportunités, alors que les entreprises se disent «comme paralysées» face aux incertitudes et aux effets changeants de l’offensive protectionniste de Donald Trump.
Cette contraction de la population active est aussi «largement liée à la politique migratoire très restrictive» de son gouvernement, ajoute Gregory Daco.
«De plus en plus de personnes, estime-t-il, hésitent à chercher du travail, car elles savent qu’elles prennent le risque d’être arrêtées et expulsées.»












