Bel homme, grand, visage enjoué sous une épaisse chevelure ébène, ce fils de l'ancien Premier ministre Pierre Elliott Trudeau a réussi à laver l'affront d'une cuisante défaite des libéraux aux législatives de 2011, deux ans après avoir pris les rênes du parti. Après neuf ans de pouvoir conservateur, le Canada vire libéral sous la houlette d'un jeune politicien sur lequel personne ne pariait au début d'une longue campagne de 78 jours face à deux adversaires plus aguerris, le conservateur Stephen Harper et le social-démocrate Thomas Mulcair.
"Justin : juste pas prêt", raillait une publicité des conservateurs, ne lui trouvant sous ses "beaux cheveux" ni l'étoffe, ni l'expérience pour devenir Premier ministre. Bref, il n'était qu'un fils à papa sans profondeur. "J'ai appris très tôt dans la vie à ne pas me laisser affecter par des gens qui me détestent à cause de mon père", bête noire des nationalistes québécois et des compagnies pétrolières de l'Alberta, disait-il récemment au quotidien “Globe and Mail”.
Bon boxeur amateur, il a mené une campagne presque sans fautes et a été plutôt bon dans les débats, se surpassant dans celui, musclé, sur la politique étrangère, censé être son point faible. Justin Trudeau a fait campagne sur la défense de la classe moyenne et sa volonté de redorer l'image du Canada à l'étranger en se posant en rassembleur dans un pays politiquement très polarisé.
Ex-moniteur de snowboard
Justin Trudeau est présent sur la scène publique depuis sa naissance le 25 décembre 1971, faisant la Une des journaux au moment où son père est au pouvoir. Il grandit au 24 Sussex Drive à Ottawa, la résidence officielle du Premier ministre que son père occupe presque sans discontinuer de 1968 à 1984, puis à Montréal où ce dernier vient s'installer avec ses trois fils après son divorce.
Dans la vingtaine, diplômé en littérature anglaise et en sciences de l'éducation, Justin Trudeau se cherche. Il se rapproche de sa mère sur la côte ouest du pays, travaille comme guide de rafting, moniteur de snowboard ou serveur dans un bar pour finalement bourlinguer autour du monde.
La mort de son frère cadet, Michel, emporté par une avalanche en 1998, le touche et, deux ans plus tard, le vibrant hommage qu'il prononce à Montréal aux funérailles d'Etat de son père, en présence de Fidel Castro et de Jimmy Carter, frappe les esprits. Mais il résiste aux appels du pied pour faire le saut en politique.
En 2005, il épouse une animatrice de télévision Sophie Grégoire, amie d'enfance de son frère Michel, avec qui il a trois jeunes enfants, deux garçons et une fille. Il se lance finalement dans la politique en 2007, en visant une circonscription à Montréal que la direction du parti lui refuse. Plébiscité par les militants d'une circonscription voisine, l'une des plus pauvres et des plus multi-ethniques du Canada, il est finalement élu député de Papineau en 2008, et réélu depuis.
En avril 2013, il est couronné chef d'un parti laminé deux ans plus tôt par les conservateurs, pour en faire une machine électorale.
Moins de quatre mois après, il crée la controverse en reconnaissant avoir déjà fumé du cannabis "cinq ou six fois" dans sa vie, mais précise n'avoir aucune dépendance et ne même pas boire de café. Il promet désormais de légaliser le cannabis.