Pour Washington, il s’agit avant tout de rétablir des lignes de communication directes avec Pékin et de «gérer» les tensions afin d’éviter une confrontation «accidentelle», après plusieurs mois de turbulences depuis l’incident du ballon en février.
«Nous n’allons pas à Pékin avec l’intention d’y réaliser des percées ou une transformation», a affirmé mercredi à des journalistes le responsable Asie au département d’Etat, Daniel Kritenbrink.
Son homologue à la Maison Blanche, Kurt Campbell, a lui insisté sur le fait que le déplacement ne représentait pas «un tournant stratégique».
«Nous n’allons pas baisser la garde s’agissant de nos intérêts ou de nos valeurs ou ne pas chercher à tirer un avantage compétitif durable», a-t-il ajouté.
Mais les responsables américains disent s’attendre à avoir des «conversations directes et sincères» avec les autorités chinoises sur l’ensemble des dossiers qui opposent les deux puissances.
M. Blinken doit arriver dimanche à Pékin et y avoir des entretiens avec les responsables chinois, dont son homologue Qin Gang, avec qui il a discuté au téléphone mardi soir.
Dans son compte-rendu de cet appel, le ministère chinois des Affaires étrangères a accusé Washington d’être seul «responsable» des frictions entre les deux pays.
Il devrait en toute probabilité être reçu par le président chinois Xi Jinping mais la rencontre n’est pas confirmée.
La question de Taïwan
Pour le secrétaire d’Etat, qui sera le plus haut responsable américain à se rendre en Chine depuis 2018, la partie ressemble à un jeu d’équilibriste: convaincre sans froisser alors que les deux puissances se livrent une concurrence féroce.
Les points de contentieux sont nombreux: les deux pays croisent le fer sur les questions de Taïwan, des revendications territoriales chinoises en mer de Chine méridionale ou encore celle stratégique des puces électroniques ou le fentanyl, un puissant analgésique opioïde.
Sur Taïwan, la Chine estime que l’île est l’une de ses provinces, qu’elle espère réunifier avec le reste de son territoire par la voie pacifique mais sans exclure l’emploi de la force.
En avril, l’armée chinoise a organisé de grandes manœuvres militaires qui ont simulé pendant trois jours un encerclement de l’île, menées en représailles à des escales quelques jours plus tôt de la présidente taïwanaise aux Etats-Unis.
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Par ailleurs, Pékin ne cache pas sa colère face à ce qu’elle considère comme des visées expansionnistes des Etats-Unis dans la région Asie-Pacifique.
La création d’alliances militaires «de type Otan» en Asie-Pacifique risque de plonger la région dans un «tourbillon» de conflits, a récemment averti le ministre chinois de la Défense, Li Shangfu.
De son côté, Washington dit surveiller au plus près le rapprochement sino-russe, mettant en garde Pékin contre la fourniture d’armes à la Russie, ce qui serait franchir «une ligne rouge». Pékin n’a jamais condamné l’invasion russe de l’Ukraine.
Pas de concession
Cette visite d’Antony Blinken à Pékin s’inscrit dans le sillage de la rencontre, en novembre dernier, entre le président américain Joe Biden et son homologue chinois Xi Jinping, en marge d’un sommet du G20 en Indonésie.
Les deux dirigeants avaient alors accepté de coopérer sur certains dossiers lors de leurs échanges.
Mais les relations se sont dégradées avec l’incident du ballon qualifié d’«espion» par Washington qui a survolé le territoire des Etats-Unis et finalement été abattu par l’armée américaine.
L’incident avait contraint M. Blinken à annuler à la dernière minute son voyage en Chine en février.
Les contacts, sauf entre militaires, ont cependant repris au plus haut niveau ces dernières semaines, amenant le président américain à prédire un «dégel» des relations.
C’est d’autant plus important que le président chinois est invité au sommet de l’Apec en novembre, à San Francisco.
Pour Jacob Stokes, du Center for a New American Security, Pékin «se range aussi à l’idée qu’il doit y avoir au moins des engagements assez réguliers» avec les Etats-Unis malgré sa profonde méfiance à l’égard de Washington.
«Tant les Etats-Unis que la Chine souhaitent éviter que leur rivalité ne dégénère davantage», relève pour sa part Shi Yinhong, de l’Université du peuple à Pékin.
«Cependant, aucun des deux ne se montre prêt à faire de concession majeure et durable, cherchant simplement à faire ce qui est perçu comme nécessaire ou avantageux pour préserver sa sécurité stratégique ou technologique», dit-il.