Les Etats-Unis "condamnent fermement le détournement forcé d'un vol entre deux Etats membres de l'UE, et l'exfiltration puis l'arrestation qui ont suivi du journaliste Roman Protassevitch à Minsk. Nous exigeons sa libération immédiate", a déclaré le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, dans un communiqué.
La Biélorussie a contraint l'avion, qui effectuait la liaison Athènes-Vilnius, à atterrir à Minsk et a interpellé Roman Protassevitch, qui est sous le coup de plusieurs accusations pour son engagement dans l'opposition au président Alexandre Loukachenko.
L'Organisation de l'aviation civile internationale, organisme rattaché à l'ONU, a avancé que l'atterrissage forcé "pourrait être une violation de la Convention de Chicago", qui protège la souveraineté de l'espace aérien des nations.
Roman Protassevitch, 26 ans, ancien rédacteur en chef de l'influent média d'opposition biélorusse Nexta, a été interpellé dimanche après-midi à la suite de l'atterrissage d'urgence à l'aéroport de Minsk du vol FR4978, un Boeing 737-800 effectuant la liaison Athènes-Vilnius.
Le militant d'opposition biélorusse Roman Protassevitch a vécu de longues minutes d'angoisse lorsqu'il a réalisé que le vol Ryanair dans lequel il se trouvait allait être détourné vers Minsk, où il serait arrêté peu après, ont témoigné d'autres passagers du vol.
"Il a commencé à paniquer et à dire que c'était à cause de lui", a raconté à l'AFP Monika Simkiene, une quadragénaire lituanienne lorsque le vol a enfin pu atterrir comme prévu à Vilnius, avec plusieurs heures de retard.
"Il s'est juste tourné vers les gens et a dit qu'il risquait la peine de mort", a-t-elle poursuivi, notant qu'il semblait "très calme" une fois certain de son arrestation après l'arrivée à Minsk.
Il était "nerveux au début, mais ensuite il s'est rendu compte qu'il ne pouvait rien y faire, il s'est calmé et l'a accepté", a déclaré un autre passager, qui s'est présenté sous le seul nom de Mantas.
La Première ministre lituanienne Ingrida Simonyte s'est rendue à l'aéroport de Vilnius pour accueillir l'avion, de même que plusieurs dizaines de militants biélorusses d'opposition.
Certains portaient sur les épaules des drapeaux aux couleurs de l'opposition biélorusse et d'autres des pancartes proclamant "Je suis/Nous sommes Roman Protassevitch", ou encore "Ryanair, où est Roman?"
"Nous devons afficher notre solidarité pour éviter d'être brisés un par un", a déclaré l'un d'entre eux, Aleksandr Glachkov, 36 ans. Selon lui, l'arrestation de Roman Protassevitch est un "crime".
Roman Protassevitch, 26 ans, est l'ancien rédacteur en chef de l'influent média d'opposition biélorusse Nexta et réside en Pologne.
En novembre, les services de sécurité biélorusses (KGB), hérités de la période soviétique, avaient inscrit son nom et celui du fondateur de Nexta, Stepan Poutilo, sur la liste des "individus impliqués dans des activités terroristes".
Nexta a joué un rôle clé dans la récente vague de contestation à la réélection en 2020 du président Loukachenko, qui occupe ces fonctions depuis 1994.
L'arrestation du militant a suscité l'indignation de pays occidentaux et de l'Otan, et l'Union européenne a agité la menace de nouvelles sanctions à l'encontre de la Biélorussie.
Certains passagers disent avoir vu le jeune opposant vider ses sacs et confier des objets à sa compagne lorsqu'il a été certain que l'avion allait s'arrêter à Minsk.
Selon un passager français âgé de 25 ans, Arthur Six, l'opposant a "paniqué mais s'est calmé après cela".
"Il ne criait pas, mais c'était visible qu'il avait très peur. On aurait dit que si le hublot avait été ouvert, il aurait sauté", a renchéri un autre passager, Edvinas Dimsa, 37 ans.
En début de soirée, l'appareil a finalement pu reprendre son vol à destination de la Lituanie, un pays balte membre de l'Union européenne, où il s'est posé avec plusieurs heures de retard sur l'horaire prévu - sans Roman Protassevitch.
C'est également ce qu'a avancé sur Twitter la figure de l'opposition biélorusse en exil en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, une "peine de mort" que la Biélorussie est la dernière à appliquer en Europe.
Réunis en sommet ces lundi 24 et mardi 25 mai 2021 à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept discuteront de "possibles sanctions" contre la Biélorussie, en plus de celles le visant déjà et qui ont conduit son président Alexandre Loukachenko à se rapprocher davantage de son homologue russe Vladimir Poutine.
L'UE a d'ores et déjà fustigé "une action complètement inacceptable" de la part de Minsk. La confirmation de l'arrestation du journaliste a de fait provoqué un tollé, avec des déclarations courroucées de l'Allemagne, la France ou le Royaume-Uni. L'Otan a demandé une enquête internationale.
Pays voisins de la Biélorussie, la Pologne a parlé d'"acte de terrorisme d'Etat" et la Lituanie, qui a accordé le statut de réfugié à Roman Protassevitch, a dénoncé un "acte abject". La Lituanie et la Lettonie ont par ailleurs appelé les vols internationaux à ne plus passer par l'espace aérien bélarusse.
L'enchaînement des faits comporte encore des zones d'ombre.
L'aéroport de Minsk, cité par l'agence de presse officielle Belta, a déclaré dans un premier temps que l'alerte à la bombe ayant entraîné un atterrissage d'urgence vers 12H15 GMT s'était révélée "erronée" après une fouille de l'appareil.
C'est Alexandre Loukachenko qui avait personnellement donné l'ordre à un chasseur MiG-29 de l'intercepter après cette alerte, a dit son service de presse.
L'actuel rédacteur en chef de Nexta, Tadeusz Giczan, a raconté que "quand l'avion est entré dans l'espace aérien bélarusse", des agents du KGB, soutenant qu'une bombe était à l'intérieur, avaient "déclenché une bagarre avec le personnel de Ryanair". "L'avion a été vérifié, aucune bombe n'a été trouvée, et tous les passagers ont été envoyés faire un contrôle de sécurité", selon Nexta.
Contactée par l'AFP, une porte-parole des aéroports lituaniens a dit avoir reçu comme première explication de la part de l'aéroport de Minsk un conflit entre des passagers et l'équipage.
A l'été et à l'automne derniers, le président biélorusse avait été confronté à un mouvement de contestation historique ayant rassemblé pendant plusieurs semaines des dizaines de milliers de personnes à Minsk et dans d'autres villes.
Mais la protestation s'est progressivement essoufflée face à des arrestations massives, des violences policières ayant fait au moins quatre morts, un harcèlement judiciaire permanent et de lourdes peines de prison infligées à des militants et à des journalistes.
En novembre, les services de sécurité biélorusses (KGB), hérités de la période soviétique, avaient inscrit les noms de Roman Protassevitch, et du fondateur de Nexta, Stepan Poutilo, sur la liste des "individus impliqués dans des activités terroristes".
Fondé en 2015, Nexta ("Quelqu'un" en biélorusse) est un média qui a joué un rôle clé dans la récente vague de contestation de la réélection en 2020 du président Loukachenko, qui occupe ces fonctions depuis 1994.