Les images font le tour des réseaux sociaux et elles en disent long sur l’impopularité d’un régime militaire en fin aussi bien de vie que de respectabilité. Ainsi, en lieu et place des honneurs, c’est à une véritable humiliation que le président algérien Abdelmadjid Tebboune a eu droit, et ce, à coups de jets d’œufs et de slogans anti-système, à chacun de ses déplacements à Lisbonne. Une visite (surprise) d’Etat au Portugal décidée à la hâte et qui s’est déroulée lundi 22 et mardi 23 mai 2023, curieusement au lendemain de la très réussie 14ème Réunion de haut niveau Maroc-Portugal, tenue le 12 mai dernier à Lisbonne, sous la présidence du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et du Premier ministre portugais, António Costa. L’occasion, notamment, de confirmer le soutien du Portugal au plan d’autonomie sous souveraineté du Maroc des provinces du Sud.
Dans une des nombreuses vidéos immortalisant ce voyage, entouré d’une grande et inhabituelle discrétion, on voit des activistes pro-Hirak algérien en train de jeter des œufs en direction de la voiture transportant le président algérien, alors que le convoi se déplaçait en direction du Palais national de Belém. «Le régime militaire n’a aucune légitimité», «le peuple est désormais libre, c’est à lui de décider», «un Etat civil», «Tebboune est une imposture, imposée par l’armée»... étaient les slogans scandés par les auteurs de cet «accueil». De quoi rappeler les justement mémorables slogans scandés lors du Hirak en Algérie.
Une deuxième vidéo, largement partagée, montre des militants algériens scandant, alors qu’Abdelmadjid Tebboune quittait la mairie de Lisbonne, des slogans appelant à la libération des détenus d’opinion, l’établissement d’un régime civil et non-militaire et la cession du pouvoir aux citoyens.
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Cette humiliation (de plus) intervient alors que le Parlement européen a adopté, jeudi 11 mai à Bruxelles et par un nombre aussi considérable que 536 voix, 4 voix contre et 18 abstentions, une résolution accablant le régime algérien quant à son mauvais traitement des médias et des journalistes. L’institution condamne formellement les agissements d’un président algérien qui a multiplié, ces derniers jours, les danses du ventre pour amadouer «sa» presse.
La «résolution commune sur la liberté des médias et la liberté d’expression en Algérie, le cas du journaliste Ihsane El-Kadi» continue un désaveu sans appel d’une régime qui aura excellé dans le verrouillage médiatique et le musèlement des voix dissidentes. Exemple en est la dissolution, notamment, de l’ONG Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) et de l’association Rassemblement actions jeunesse (RAJ), en plus de la fermeture des médias Radio M et Maghreb Emergent, l’interdiction de quitter le territoire imposée au journaliste Khaled Drareni depuis 2020, ou encore l’emprisonnement de journalistes, dont Ihsane El Kadi et Mustapha Bendjama.
Il s’agit de la quatrième résolution du genre, après celle du 28 novembre 2019 sur la situation des libertés en Algérie, celle du 26 novembre 2020 sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, en particulier le cas du journaliste Khaled Drareni, et celle du 3 mai 2022 sur la persécution des minorités fondée sur les convictions ou la religion.