La liberté, voire les jours, de Saïd Chitour, correspondant de la BBC en Algérie, sont en danger. Arrêté le 5 juin dernier à l’aéroport international d’Alger par les services de son pays, ce journaliste algérien a été mis en dépôt par le procureur de la république et est poursuivi pour une affaire qui, en vertu du Code pénal algérien, pourrait lui valoir la réclusion à perpétuité, s’inquiète sa famille, à l’issue d’une visite qu’elle a rendue à son enfant écroué dans la prison d’El Harrach à Alger.
Pour quel «crime» Saïd Chitour serait-il donc poursuivi? Il est accusé d’avoir livré des "documents confidentiels" à des diplomates étrangers accrédités en Alger, avec lesquels il aurait eu dernièrement des discussions au sujet de la situation en Algérie. «Il n’a ni la fonction,ni le statut pour ça, comment peut-il transmettre alors des documents classés secret-défense, ce n’est qu’un journaliste», s’interroge sa famille, tout en mettant en garde contre la détérioration de l’état de santé de son enfant. «On l’a trouvé affaibli par le diabète, il a maigri considérablement, il avait les lunettes cassées car il se retrouve avec d’autres détenus dans la cellule, et là-bas des bagarres éclatent presque tous les jours, mais vu son état, il est souvent transféré vers l’infirmerie. Cela nous désole, nous connaissons bien notre enfant qui est un homme respecté et respectable, sa place n’est pas en prison», regrette sa famille, citée par le site "Tout sur l'Algérie".
Lire aussi : Vidéo. Algérie: la mort en détention d'un journaliste continue de faire des vagues
Et de poursuivre: «Des gens du DRS lui en veulent, mais il n’en connaît pas les raisons. Il n’a rien fait”.
Même son de cloche relevé chez la défense de Saïd Chitour. «Il est vraiment farfelu que les analyses politiques (de Saïd Chitour) soient considérées comme étant du renseignement. Les services de sécurité étaient au courant de ses activités. Il informait les services de sécurité sur ce qu’il faisait. Dans cette affaire, il y a une exagération. Pour une accusation d’une telle gravité, telle qu’elle est sanctionnée par l’article 65, il importe de prouver l’existence de documents confidentiels ou de ces renseignements pouvant nuire à la défense nationale. À ce titre, les informations publiées par la presse concernant mon client, et selon lesquelles il procédait à des actes d’espionnage, sont dénuées de tout fondement», indique l'un de ses avocats.
Le cas de Chitour rappelle cruellement celui de feu Mohamed Tamalt
La famille de Chitour s’inquiète que son fils ne subisse le même sort que celui de feu Mohamed Tamalt, décédé en prison dimanche 11 décembre 2016 à la suite d’une grève de la faim en protestation contre sa condamnation en juillet de la même année pour «offense au président (Abdelaziz Bouteflika) et aux institutions» de l’Etat algérien!
Des accusations tout aussi absurdes que celles qui sont portées contre Saïd Chitour, accusé sur la base d’analyses ou même de conversations politiques de divulgation de «secrets défense»! Des accusations fabriquées de toutes pièces par un régime qui a peur de tout, y compris des articles de presse qui ne sont pas «politiquement corrects».
Affaire Chitour: des ONG internationales montent au créneau
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), organisation non gouvernementale basée aux États-Unis, a demandé, hier samedi, aux autorités algériennes de «libérer immédiatement et d’arrêter toutes les poursuites à l’encontre du journaliste Saïd Chitour".
«L’arrestation de Saïd Chitour au motif d’espionnage semble être une tentative de garder l’information à propos de l’Algérie en dehors de la presse internationale», a en effet dénoncé Robert Mahoney, directeur exécutif adjoint du CPJ dans un communiqué. «Nous appelons les autorités algériennes à libérer Chitour, mettre fin aux poursuites à son encontre et cesser de harceler et menacer les journalistes à cause de leur travail». Un appel qui comme tant d'autres lancés précédemment risque de rester inaudible par un régime algérien liberticide.