Va-t-on entendre à nouveau, dans les rues des grandes villes algériennes, les foules scander «Tebboune lemzawar jabouh l’âskar» (Tebboune l’usurpateur a été placé par les militaires), «les généraux à la poubelle», «Dawla madania machi askaria» (un Etat civil et non pas militaire) et autres «Istiqlal, Istiqlal… » (Indépendance, indépendance…), ces slogans-phares du Hirak, déclenché spontanément, mais massivement, en février 2019 pour exiger la fin du régime militaro-politique qui dirige le pays depuis 1962?
En tout cas, c’est cette perspective de reprise du Hirak, à l’orée de son 3e anniversaire le 22 février, qui terrifie sérieusement Abdelmadjid Tebboune et l’establishment de la junte. Le président algérien a ainsi profité de la tenue du Conseil des ministres, dimanche 13 février 2022, pour annoncer des mesures urgentes de baisse des prix et de gel des taxes sur un certain nombre de produits de grande consommation.
Selon le communiqué sanctionnant ledit Conseil des ministres, tel que rapporté par l’APS, «le président a ordonné le gel, à compter d'aujourd'hui et jusqu'à nouvel ordre, de tous les impôts et taxes, notamment les taxes contenues dans la loi de finances 2022 sur certains produits alimentaires; la suppression de tous les impôts et taxes sur le e-commerce, les téléphones portables, les matériels informatiques à usage personnel et les start-up en se contentant des tarifications réglementées».
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Pour donner de l’importance à cette communication de crise, un quotidien proche du pouvoir annonce déjà que «les prix des pâtes alimentaires et du couscous ont enregistré une baisse allant parfois jusqu’à 50% à travers l’ensemble du territoire national».
Officiellement, ces décisions visent «à faire éviter aux citoyens l'impact de la flambée vertigineuse des prix dans les marchés internationaux», mais en réalité le régime algérien tente de prendre les devants et conjurer les manifestations populaires, à la veille des célébrations du 3e anniversaire du Hirak. Ces célébrations commencent en général le 19 février à Khenchela, ville où est né l’élan populaire anti-régime du 22 février 2019.
Pourtant, la flambée des prix des produits de consommation de première nécessité, voire leur pénurie, ne cesse de prendre de l’ampleur depuis deux ans en Algérie. Et le régime algérien a donné la preuve de son incapacité à y faire face. Les menaces de Tebboune contre ceux qu’il appelle «les intermédiaires et les spéculateurs», sur la tête desquels il a fait peser des peines allant de 30 ans de réclusion ferme à la peine de mort n’ont fait qu’aggraver la situation, les commerçant préférant rester à l’écart de peur de retrouver derrière les barreaux.
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L’huile de table est toujours une denrée rare en Algérie. Le prix de la pomme de terre fait de nouveau les titres des journaux. Les longues files d’attente pour obtenir un hypothétique sachet de lait font partie du quotidien des Algériens. Et cela fait plusieurs mois que les viandes sont devenues inaccessibles pour une majorité des citoyens.
Preuve que la décision de geler les taxes est prise dans un contexte de panique: il y a à peine un trimestre, Tebboune a recommandé de tourner la page des subventions étatiques qui soutenaient jusqu’ici, un tant soit peu, le pouvoir d’achat des Algériens. Donc, on passe de la décision de lever les subventions sur les produits de première nécessité à celle de les détaxer. Cela fait une double peine pour les caisses de l’Etat et montre que le régime algérien navigue à vue et qu’il tente d’éteindre le feu sans y parvenir.
Finalement, après avoir choisi la politique répressive à l’égard des manifestations populaires et cru avoir ainsi empoché une paix sociale durable, le régime algérien semble aujourd’hui tenter par la politique de la carotte pour empêcher le Hirak de réinvestir la rue. Or, ce ne sont pas les prix exorbitants des denrées alimentaires qui sont à l’origine du déclenchement du Hirak. Ce mouvement pacifique a pour objectif de couper le mal à sa racine, c’est-à-dire d'instaurer un pouvoir civil et renvoyer l’armée dans ses casernes.