Samedi 24 mai, au moment même où les médias officiels ont, enfin, confirmé le limogeage du patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le général Nacer El Djenn, et son remplacement par le général Abdelkader Aït Ouarabi alias «général Hassan», une autre rumeur s’est parallèlement répandue à partir des réseaux sociaux. Elle rapporte que le chef de la police algérienne, Ali Badaoui, nommé il y a tout juste 16 mois, aurait été limogé à son tour. Le nom de son remplaçant a même été divulgué, puisqu’il s’agirait de Hadj Said Arezki, un haut responsable de la police qui travaillait sous ses ordres.
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La confirmation officielle du limogeage du directeur général de la Sûreté nationale (DGSN) algérien est attendue dans les tout prochains jours. Car la règle, faisant de la rumeur la première source fiable quant au limogeage de hauts responsables sécuritaires algériens, est désormais bien rodée. Pour ne parler que du cas de la police, le 27 décembre 2023, des informations non officielles ont circulé sur le limogeage et l’arrestation de l’ancien chef de la DGSN, Farid Zinedine Bencheikh, avant que la télévision algérienne n’annonce, le 8 janvier 2024, son remplacement effectif par Ali Badaoui, dont l’installation dans ses fonctions a été supervisée par le ministre de l’Intérieur, Brahim Merad.
Avec le limogeage de Ali Badaoui, le président algérien Abdelmadjid Tebboune aura consommé quatre patrons de la DGSN, sachant qu’il a limogé, le 16 mars 2021, Khelifa Ounissi, non sans lui avoir endossé, en vue de blanchir l’armée et ses services secrets, les pratiques ultra-répressives, humiliantes et dégradantes, subies par de nombreux militants du Hirak arrêtés en marge des manifestations qui ont vivement secoué le régime d’Alger de 2019 à 2021.
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Pour rappel, le limogeage de Farid Bencheikh, son arrestation et ses interrogatoires ont été menés sous la houlette de Nacer El Djenn, qui venait juste de prendre ses quartiers à la DGSI, suite à la maladie handicapante (AVC) de Kemal Meddoub Kehal.
Or c’est le jour même de l’installation officielle du général Hassan à la DGSI, que le limogeage de Badaoui, coopté par Nacer El Djenn, a été annoncé.
C’est dire qu’il y avait de l’électricité dans l’air, car la passation de pouvoirs entre Nacer El Djenn et le général Hassan s’est déroulée sans la moindre présence des caméras de télévision, mais à travers un simple communiqué du ministère de la Défense. Ce qui est en soi une première du genre, car toutes les activités du chef d’état-major de l’armée algérienne, Said Chengriha, font en général les gros titres des médias et défilent en boucle sur les écrans des télévisions locales.
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Le black-out sur la cérémonie de remplacement de Nacer El Djenn, supervisée par Chengriha, est symptomatique de la défiance et des clashs permanents entre les différents clans des généraux, et laisse entendre que le renvoi de Nacer El Djenn ne s’est pas fait en douceur.
Ce qui est certain, c’est que l’actuel patron de l’armée algérienne tente maladroitement de capitaliser sur l’héritage de son prédécesseur, Gaid Salah, qui avait, en vue d’assoir son autorité, désintégré et mis fin à la toute-puissance d’antan de l’ex-Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Ce dernier coiffait non seulement tous les services de renseignements, mais tenait également sous sa coupe aussi bien les généraux de l’armée que le président de la république lui-même.
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Mais si Gaid Salah a fragmenté les services de renseignement, tout en maintenant une certaine coordination entre eux, Chengriha a instauré un désordre total et la terreur pour faire diversion sur son impéritie à diriger l’armée. L’incompétence de Chengriha est un secret de polichinelle et nombre de généraux affichaient ouvertement leur mépris pour lui. L’ex-commandant des forces terrestres, le général-major Amar Athamnia, ne fait aucun mystère sur les décisions arbitraires du chef de l’état-major. Il a été mis à la retraire, alors même qu’il est, selon des sources concordantes, l’un des meilleurs généraux de l’armée algérienne.
Entre avril 2020 et mai 2025, on compte une quinzaine de limogeages de patrons des services de renseignements, soit une moyenne d’un limogeage tous les quatre mois. Il faut y ajouter les multiples changements qui ont secoué les différents commandements centraux et régionaux de l’armée.
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Impossible de trouver une instabilité des services de renseignements et de sécurité pareille à celle de l’Algérie dans nul autre pays au monde. Tebboune et Chengriha font et défont les patrons des services de sécurité sans prendre en considération qu’ils ont rendu exsangues les renseignements de leur pays. Nombre d’observateurs avancent le caractère colérique de Tebboune et son alcoolisme, révélés par le Journal Du Dimanche, pour expliquer ces limogeages à la pelle.
Si l’on ajoute à cela que les purges dans l’armée sont violentes et conduisent souvent à la prison, on comprend que les hauts gradés algériens opèrent la peur au ventre. Ils sont davantage préoccupés par le sort de leurs familles que par les intérêts de l’État. Ce qui est très lisible dans la situation actuelle de l’Algérie. Le régime a perdu toutes les composantes d’un État. Il n’y a qu’à voir la télévision nationale et les médias officiels pour prendre la mesure de la voyoucratie qui détermine la politique d’un régime, addict des crises avec son voisinage méditerranéen, sahélien et même au-delà.








