Les annonces du report de l'élection présidentielle, prévue initialement le 18 avril 2019, et du renoncement de Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, ont-elles convaincu les Algériens? Dans la société comme sur les réseaux sociaux, le doute quant à la crédibilité de ces propositions s’est d'ores et déjà installé. Le verdict final sera donné ce vendredi, jour traditionnel des manifestations en Algérie depuis plus de trois semaines.
Les signes que les marches populaires contre Bouteflika vont se poursuivre ne manquent pas. Ce mardi, soit au lendemain des annonces faits par le président algérien, plusieurs milliers d'étudiants et d'étudiantes ont manifesté dans le centre d'Alger. "Il faut sauver le peuple, pas le pouvoir", "Pas de ruse, Bouteflika", ont-ils notamment crié. Des rassemblements d'étudiants sont prévus dans d'autres villes, dont Annaba (nord-est), active depuis le début du mouvement, indique l’agence AFP.
Sur les réseaux sociaux, les appels à maintenir la mobilisation circulent massivement, rejetant, de fait, la proposition de Bouteflika. Signe de réactivité, le logo de la contestation, le chiffre "5" cerclé et barré de rouge, est devenu un "4", soit le refus du prolongement de l'actuel mandat de Bouteflika. Un refus d'autant plus légitime que Bouteflika s'est octroyé une extension de son mandat présidentiel, au mépris de la Constitution algérienne qui lui interdit de rester aux commandes du pays au-delà du 18 avril.
Sur les réseaux sociaux, la date du hashtag "Mouvement_du_25_Mars" a, quant à elle, été remplacée par 22 février, 1er et 8 mars et… Le 15 mars, soit un appel à un quatrième vendredi de manifestations. Un message s'est d'ailleurs propagé dès hier soir, lundi 11 mars: "Non à l'arnaque du peuple, rendez-vous le 15 mars".
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Opposant et très suivi sur Facebook, Rachid Nekkaz, candidat malheureux à cette élection présidentielle, a bien su résumer la situation. "Le peuple algérien n'a jamais demandé le report des élections, il a simplement demandé que le président Bouteflika ne se représente pas", dit-il sur Franceinfo. Rachid Nekkaz va jusqu'à promettre une "loi d'amnistie" si Abdelaziz Bouteflika "sort par la grande porte". Il appelle au demeurant ses partisans à sortir dans le rue vendredi prochain.
La colère des Algériens est en somme compréhensible, Bouteflika ne proposant rien de nouveau. S’il dit renoncer à un cinquième mandat, il prolonge, de facto, le quatrième, et ce pour une durée indéterminée.
S’il promet une nouvelle élection présidentielle, il n’en fixe pas la date.
Et s’il annonce un gouvernement de compétence nationale, c’est pour faire du neuf avec du vieux. En témoignent d'ailleurs les nominations annoncées hier. Le nouveau Premier ministre, Noureddine Bedoui, était auparavant ministre de l’Intérieur. Ramtane Lamamra, nommé au poste de vice-Premier ministre, était, quant à lui, ministre des Affaires étrangères, fonction qu’il garde au demeurant. Et ces deux hommes font partie intégrante du système depuis plusieurs années.
Quant à la "conférence nationale" annoncée, censée aboutir à un nouveau scrutin, c’est, là encore, sans échéancier qu’elle est mise en avant.
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Autant dire que les raisons ayant poussé les Algériens à sortir dans la rue restent totalement valables. "Il va sans dire que la nouvelle démarche politique entreprise par le pouvoir ne tient pas compte des revendications exprimées vigoureusement par la rue depuis trois semaines. Elle est vouée à être rejetée. Et fortement. Et si aux regards des "insurgés" le coup de balai dans le sérail s’impose et immédiatement, il ne serait pas suffisant pour calmer la colère de la rue", peut-on ainsi lire dans le quotidien algérien à grande audience El Watan.
Liberté-Algérie, évoquede son côté, une "grande supercherie", et estime aussi que "le président tente une nouvelle ruse avec le peuple".
"C’est la même annonce qui a été faite il y a une semaine. Il se retire et dit qu’il prolonge son mandat et supervisera le changement de système. Tout ça n’est qu’une façade", réagit cette citoyenne algérienne citée par le quotidien français Libération.
La fumisterie aura donc été de courte durée et les Algériens, visiblement, n’y croient pas du tout. Et il vont le dire haut et fort ce vendredi.