Dans une longue tribune parue ce vendredi 28 août dans algériepatriotique, un support médiatique familial, le général à la retraite Khaled Nezzar, un fugitif qui a élu domicile en Espagne, remue terre et ciel pour obtenir une amnistie qui lui permettrait de rentrer avec ses proches en Algérie, sans être inquiété.
Faisant d’abord un détour par les jeunes du Hirak, il tente de les mettre en garde contre ce qu’il appelle une guerre par «procuration» au profit des islamistes, qu’il se vante d’avoir combattu durant la «décennie noire» des année 1990. Il conteste ainsi le principal mot d’ordre du Hirak qui, selon lui, «vise l’armée avec le slogan "Madania machi ‘âskaria" ([Etat] civil et non militaire). Car si l’ANP tombe ou est déstabilisée, c’est l’Etat qui s’en trouvera anéanti. Si l’ANP tombe, les problèmes de la région déborderont sur l’Algérie. C’est l’objectif d’une guerre Proxy (par procuration).»
Cette démarche de Khaled Nezzar intervient au moment où plusieurs médias algériens relatent, ces derniers jours, des négociations avec le régime en prélude à son retour en Algérie. Ainsi, dans un article paru mardi 25 août, Al Watan écrit que «des contacts ont été entrepris, par des personnes interposées, entre des cercles proches de la présidence et les généraux-majors Lahbib Chentouf et Abderrazak Cherif (deux anciens commandants de régions militaires en fuite, Ndlr) ainsi que le général Khaled Nezzar, qui se trouve à l’étranger, pour leur permettre de rentrer au pays et d’assainir leur situation avec la justice militaire.»
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Ces généraux ont tous en commun d’avoir été traqués par le défunt général Ahmed Gaid Salah qui avait condamné, le 6 août 2019 au niveau du tribunal militaire d’El Blida, Khaled Nezzar et son fils, Lotfi, à 20 ans de réclusion criminelle par contumace, sous l’accusation de complot contre l’autorité de l’Etat. Un mandat d’arrêt international a été émis à leur encontre, même s’il avait peu de chance de réussir puisque les pays de l’Union européenne ne reconnaissent pas les décisions émanant de la justice militaire d’un pays tiers.
De son côté, le journal L’Expression rapporte que «l’ancien général en fuite en Espagne, Khaled Nezzar, multiplie ces jours-ci, via son support de communication, les actions visant à pousser le président de la république à limoger son ministre de la Justice (Belkacem Zeghmati). L’ancien général et son fils espèrent que ces actions vont leur permettre de rentrer en Algérie pour se défendre contre toutes les accusations portées à leurs personnes.»
Ce vendredi 28 août, c’est Nezzar lui-même qui confirme les tractations en cours pour déblayer le terrain devant son éventuel retour au pays. Mais il semble adresser au nouveau pouvoir les conditions de son retour au pays. «Maintenant, cela se sait. Cette affaire ne pourra être résolue que par un acte politique, seul à même de réparer cette injustice qui a poussé à l’exil, au-delà de ma personne, nombre de citoyens et cadres de la nation dont l’Algérie a grandement besoin aujourd’hui», écrit-il.
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Quelle est la nature de cet acte politique que l’ancien général, dont les mains sont maculées du sang de milliers de personnes assassinées pendant la décennie noire, appelle de ses vœux? Une grâce du président Tebboune? Une amnistie? En tout cas, il est clair que le général à la retraite et ancien ministre de la Défense demande d’être lavé de toutes les charges retenues contre lui et sa famille, avant de rentrer au pays.
Insinuant aussi qu’il pourrait être encore utile à l’Algérie de par sa «légitimité» d’ancien membre de l’Armée de libération nationale (ALN), il ajoute : «Aujourd’hui, du haut de mes 83 ans et avec l’expérience des guerres tout court, qu’elles soient informationnelles ou psychologiques, les procès de Paris et de Genève, les coups tordus tout au long de ma carrière de l’ALN à l’ANP, je suis en droit d’être rassuré par la voie que devra emprunter l’Algérie et que j’ai tant espéré voir se concrétiser, et ce depuis l’Indépendance.»
Cette référence à son expérience et aux dossiers qu’il a eu à gérer a comme un parfum de menace. En effet, Nezzar laisse entendre qu’en restant en exil forcé, sa capacité de nuisance pourrait mettre à mal les dirigeants de son pays. Si l’on tient compte du fait que nombre de hauts gradés algériens sont en fuite et qu’ils préparent des plans de repli avec des puissances étrangères, moyennant le déballage de ce qu’ils savent, il y a péril en la demeure. Le cas de l’adjudant chef Guermit Bounouira, ancien secrétaire particulier de Gaid Salah, qui a livré tout ce qu’il savait aux services de renseignement turcs avant d’être renvoyé exsangue en Algérie, n’est que l’arbre qui cache la forêt. Dans un pays où la prévarication et la corruption sont la règle, le patriotisme est souvent porté par les généraux à la semelle de leurs bottes.
D’ailleurs, un autre général-major donne des sueurs froides au régime algérien. Ghali Belkecir, haut gradé véreux, jusqu’à peu puissant patron de la gendarmerie algérienne, aurait fui avec sa famille en emportant plusieurs dossiers classés «secret défense» dans ses bagages. Ces dossiers intéresseraient des puissances étrangères qui procureraient anonymat et protection au général, ainsi qu’aux membres de sa famille. Compte tenu du nombre de hauts gradés algériens en fuite, l’ANP ressemble à une maison en verre. Tout le monde sait ce qui s’y trouve.