Algérie: interdiction des festivals de crainte de manifestations contre la candidature de Tebboune à un second mandat présidentiel

Abdelmadjid Tebboune lors de l'annonce de sa candidature à un second mandat, jeudi 11 juillet.

Quelques heures seulement après l’annonce par Abdelmadjid Tebboune de sa candidature à la présidentielle du 7 septembre 2024, le ministère algérien de la Culture s’est empressé d’interdire tous les festivals programmés cet été à travers toute l’Algérie. Sous le prétexte fallacieux de solidarité avec Gaza, se cache en réalité une seule raison, celle d’un régime pris de panique et qui craint de voir la rue contester la nouvelle mascarade des présidentielles.

Le 14/07/2024 à 11h55

«Les pays ont une armée, en Algérie, c’est l’armée qui a un pays», dit un dicton. Cet adage ne s’est jamais affirmé avec autant de force que dans «l’Algérie nouvelle» des clans de Toufik et de Chengriha et de leur homme-lige, le président «candidat» Abdelmadjid Tebboune. Cette armée donne ordre aux Algériens de rester à la maison cet été. Volets fermés de préférence!

Sur ordre de l’armée et des différents services de renseignements qui lui sont rattachés, le ministère algérien de la Culture et des arts a annoncé, vendredi 12 juillet, l’interdiction de «tous les grands festivals artistiques prévus cet été». Le motif avancé pour justifier cette suspension de dernière minute n’est autre qu’une prétendue «solidarité avec Gaza».

Dans son communiqué officiel, le ministère algérien de la Culture précise que la décision d’interdiction des festivals cet été a été prise «sur la base de la position pionnière et inébranlable de l’Algérie en faveur de la cause palestinienne et… dans le cadre des efforts de l’État algérien, dirigé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, pour soutenir le peuple palestinien opprimé…»!

Toutes les autres activités culturelles et intellectuelles en Algérie tombent également sous le coup de cette interdiction en vue de leur «adaptation», souligne le communiqué du ministère de la Culture, «à la position de solidarité en faveur de la cause palestinienne».

Il semblerait donc que plus la liberté d’expression est écrasée en Algérie, plus cette dernière serait la championne incontestée en matière de soutien à la Palestine.

En réalité, la vive colère des Algériens, sortis spontanément en février 2019 dans des manifestations massives à travers toutes les grandes villes du pays pour refuser le 5ème mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika, est encore dans toutes les mémoires.

Il est vrai qu’hormis les violentes manifestations de la soif à Tiaret en juin dernier, celles du Hirak sont à l’arrêt depuis juin 2021, suite à la réaction criminelle du régime qui, pour terroriser les manifestants, a sciemment incendié les forêts proches des principales villes de Kabylie, particulièrement Tizi-Ouzou qui a enregistré des centaines de morts, brûlés ou asphyxiés, durant l’été 2021. Le régime algérien n’est pas pour autant rassuré: il craint toujours que des manifestations de grande ampleur éclatent à nouveau.

Surtout que les généraux ayant meurtri et ensanglanté l’Algérie durant la décennie noire, causant la mort de quelque 250.000 personnes et la disparition de quelque 7.000 autres, ont repris les manettes du pouvoir, dont ils ont été écartés de 2015 à 2020, période au cours de laquelle le Hirak a éclaté et vivement secoué les fondements du pouvoir militaire en Algérie.

Ce régime a donc toujours à l’esprit que le Hirak a eu pour déclencheur le 5ème mandat d’un président rongé par la maladie et ayant perdu toutes ses facultés physiques et mentales. Tebboune, du haut de ses 79 ans qu’il bouclera en novembre prochain, des séquelles de son hospitalisation pendant un semestre en Allemagne, mais surtout de ses inquiétants bavardages et mensonges excessifs, devenus la risée du monde entier, présente aujourd’hui les mêmes signes «cliniques» qui ont conduit à l’«impeachment» puis la chute de son prédécesseur.

La suspension de tous les festivals estivaux en Algérie intervient également 48 heures seulement après que le régime algérien a tâté le pouls de l’opinion à travers la visite-test de Tebboune à Tizi Ouzou, où la population locale l’a totalement zappé.

Les calculs de Tebboune, qui comptait sur un improbable accueil populaire, synonyme d’onction de légitimation, en vue d’annoncer sa candidature à un second mandat présidentiel à partir de Tizi-Ouzou, sont lamentablement tombés à l’eau.

Humilié par ce rejet massif enregistré dans la capitale kabyle, Tebboune a amèrement choisi d’annoncer, seul et à partir d’un vestibule d’El Mouradia, qu’il compte rempiler pour un second mandat.

En plus de cette annonce qui a laissé les Algériens de marbre, le régime algérien reste aussi paniqué par la perspective d’un boycott massif de l’élection de septembre prochain.

Après son rejet par Tizi-Ouzou, Tebboune a enregistré, samedi 13 juillet, un nouveau coup dur, assené cette fois-ci par Louisa Hanoune, dont il a voulu faire un lièvre dans la course à la présidence. Non seulement la secrétaire générale du Parti des travailleurs a retiré sa candidature à la présidentielle, mais elle a également, et d’ores et déjà, annoncé que son parti appellera au boycott du vote à cette élection.

En cause, les dérives autoritaires du régime algérien qui, de peur des manifestations, a promulgué, le 6 mai dernier, un nouveau Code pénal amendé, devenu le texte de loi le plus liberticide du monde, suite à l’introduction d’une batterie d’interdictions en prévision de la présidentielle de septembre 2024. En plus de verrouiller la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, ce code amendé a aussi criminalisé les activités de propagande liées aux campagnes électorales. Son article 96 (nouveau) dispose que «quiconque distribue, met en vente, expose au regard du public ou détient en vue de la distribution, de la vente ou de l’exposition, dans un but de propagande, des tracts, bulletins, papillons, vidéos ou enregistrements audio de nature à nuire à l’intérêt national, est puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 100.00 à 500.000 dinars».

Le régime d’Alger a sans doute réussi à transformer le pays en prison, mais il n’est pas pour autant serein. La multiplication des mesures répressives atteste que le Système lutte pour sa survie… contre le peuple.

Par Mohammed Ould Boah
Le 14/07/2024 à 11h55