De la même façon qu’ils ont boudé les urnes le 12 décembre dernier, à l’occasion de la présidentielle qui allait parachuter Abdelmadjid Tebboune comme chef de l’Etat, les Algériens viennent encore une fois de prouver qu’ils n’accordent pas une once de légitimité à leur nouveau pouvoir, qui n’est en rien différent de celui qui l’a précédé.
L’occasion leur a été donnée d’exprimer cet irrédentisme vis-à-vis d’un régime de façade et illégitime, en ignorant totalement l’appel à solidarité lancé par le gouvernement algérien le 25 mars dernier. En effet, il y a maintenant un mois, jour pour jour, le gouvernement algérien a lancé un appel à ses citoyens en vue de faire des dons dédiés à la lutte contre la pandémie de coronavirus.
Croyant que les Algériens allaient faire preuve d’un plus grand engouement que leurs voisins marocains ou tunisiens, qui, la même semaine, ont fait montre d’une célérité exemplaire en matière de solidarité en joignant rapidement leurs moyens et leurs efforts à ceux de leurs hautes autorités respectives, le gouvernement de Abdelmadjid Tebboune n’a récolté, lui, qu’une claque cinglante. Plus d’un mois après le lancement de son appel, rien n’est quasiment tombé dans son escarcelle, puisque sa «cagnotte» n’a toujours pas franchi la barre d’un seul million d’euros. Oui, en un mois, pas même un million d’euros collecté!
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Les généraux de l’Armée nationale populaire ont beau être les premiers à dégainer, en mettant, en grande pompe, la main à la poche pour répondre à l’appel de «leur président», personne ne les a suivis. La population a préféré regarder ailleurs.
Un échec d’autant plus cuisant que l’Algérie est un Etat producteur d’importantes quantités de gaz et de pétrole depuis maintenant plus d’un demi-siècle, et dont le PIB par habitant est le plus élevé, aussi bien au Maghreb qu’en Afrique du Nord, et le 9e en Afrique.
Certes, les Algériens ne sont pas aussi riches que peuvent le laisser croire les chiffres, puisqu’en réalité les revenus pétroliers du pays sont entièrement monopolisés par une oligarchie militaro-affairiste très réduite. Ils ne sont pas non plus si pauvres au point de ne pas pouvoir participer à renflouer solidairement un fonds que l’urgence de la pandémie mondiale de Covid-19 impose.
Mais s’ils ne l’ont pas fait, à l’instar de leurs voisins tunisiens (qui ont mobilisé 9 millions d’euros au cours d’un téléthon télévisé le 20 mars dernier) et marocains (dont le fonds dédié au Covid-19, créé le 15 mars dernier par le roi Mohammed VI, a engrangé près de 4 milliards d’euros en moins d’un mois), c’est que les Algériens savent parfaitement que leur argent ira à nouveau alimenter la machine de corruption bien rodée dans le pays. A quoi bon faire des dons qui iront dans les poches des pontes du régime déjà bien remplies?
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Pour rappel, le ministère algérien de l’Intérieur et de la communication a annoncé dès le mercredi 25 mars 2020, l’ouverture de plusieurs comptes bancaires dont les numéros ont été diffusés à grande échelle. Sauf que ce département a fait preuve d’une grande maladresse en ne cachant pas ses préférences pour les dons en devises, donnant ainsi l’impression de profiter de la pandémie de Covid-19 pour renflouer les caisses de l’Etat et tenter ainsi de compenser, un tant soit peu, les pertes subies suite à la chute vertigineuse des cours du baril du pétrole.
Le communiqué du ministère algérien de l’Intérieur précise en effet que «deux (2) comptes ont été ouverts au niveau de la poste et du Trésor public ainsi que trois (3) autres comptes bancaires, ouverts au niveau de la Banque extérieure d’Algérie (BEA) pour recevoir les dons en euro, en dollars américain et en livres sterling».
Mais, comme l’écrit un média algérien, «cette collecte de dons n’a pas suscité l’enthousiasme ni des Algériens ni encore moins de la communauté algérienne à l’étranger. Et pour cause, l’Etat algérien est impliqué jusqu’au cou dans les gros scandales de corruption et les actuelles autorités qui président aux destinées du pays n’ont aucune légitimité démocratique sans oublier qu’elles souffrent d’un déficit de représentativité de la volonté populaire en raison du rejet massif des Algériens du dernier scrutin présidentiel datant du 12 décembre 2019». Il n’y a rien à ajouter.