Selon un article publié dans les colonnes du Figaro qui revient, le 7 novembre, sur les derniers développements de l’affaire Khashoggi, «la thèse d'un assassinat du journaliste prémédité et commandité au plus haut sommet du pouvoir à Riyad ne cesse de se renforcer». A l’appui de cette assertion, le journal précise que les autorités de Riyad ont profité de l’envoi, le 11 octobre dernier, d’une mission officielle de 11 enquêteurs saoudiens pour y glisser deux «nettoyeurs», dont l’un est spécialiste en chimie et l’autre en toxicologie.
Identifiés par les médias turcs comme étant Ahmad Abdulaziz al-Janobi et Khaled Yahya al-Zahrani, ces deux hommes avaient pour mission particulière non seulement de chercher les indices de ce crime, mais d’en faire disparaître immédiatement la plus infinitésimale des preuves. Une façon comme une autre de «délayer» le terrain avant que les enquêteurs turcs ne soient autorisés à entrer dans la résidence du consul saoudien, à Istanbul, où la dépouille de Khashoggi aurait été transféré à partir du consulat.
C’est le quotidien turc Daily Sabah, journal pro-gouvernemental très proche du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui est le premier média à avoir révélé la présence des deux «nettoyeurs» parmi les présumés enquêteurs saoudiens. Leurs photos ont même été épinglées, selon Le Figaro, sur des images diffusées par la non moins officielle chaîne de télévision publique turque, RTT.
Aux dernières nouvelles, le corps démembré de Khashoggi aurait finalement été dissous dans de l’acide par les deux présumés «nettoyeurs» saoudiens. C’est du moins l’hypothèse avancée la semaine dernière par Yasin Aktay, conseiller du président turc, suivant en cela le parquet d’Istanbul qui a conclu que le journaliste avait été étranglé à mort dans le consulat saoudien, avant d’être démembré et transféré à la résidence du consul, d’où son corps s’est «volatilisé».
Le Figaro rappelle qu’«embourbé dans ses propres mensonges, le royaume saoudien ne cesse de réécrire son récit au fil des révélations turques… Après avoir d'abord affirmé que Jamal Khashoggi avait quitté le consulat peu après s'y être rendu, puis soutenu qu'il était mort dans une rixe, Riyad a fini par évoquer une «opération non autorisée» par le pouvoir. Mais ce nouvel élément d'information explosif (les nettoyeurs) renforce la thèse d'un assassinat prémédité et commandité au plus haut sommet du pouvoir saoudien».
Erdogan, en parlant du «sommet du pouvoir» saoudien, exclut totalement que le «serviteur des lieux saints» soit impliqué de près ou de loin dans cette affaire. Mais, sans le nommer, il tend un doigt accusateur vers le prince héritier Mohammed Ben Salman. En connaissance de cause?
Il n’en reste pas moins que les autorités turques, qui disent attendre des réponses à des questions posées à l’Arabie saoudite, affirment tout connaître de cette affaire, voire disposer de preuves accablantes… Mais pourquoi alors poser des questions, quand on a les réponses à ces questions entre les mains?
«Nous disposons d'autres preuves que nous n'avons pas encore rendues publiques. Nous avons également donné la possibilité aux pays qui le souhaitaient de voir ces preuves», a récemment déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu.
Interpellé par Le Figaro sur ce semblant de «double langage» d’Ankara, le chercheur turc Ali Nihat Ozcan n’y est pas allé par quatre chemins. Selon lui, «Erdogan sait déjà tout. S'il n'obtient pas, à terme, la démission de Mohammed Ben Salman, il espère au moins obtenir certaines contreparties».