L’Irlandaise Mary Lawlor, rapporteuse spéciale et bénévole des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, vient d’achever une mission d’observation en Algérie qui s’est déroulée du 25 novembre au 5 décembre. Elle a donc tenu, mardi dernier dans un hôtel algérois, une conférence de presse où elle a mis en exergue, et sans ambages, le caractère répressif du régime algérien à l’égard de ses opposants, et particulièrement les militants et défenseurs des droits de l’homme.
Même si elle a pu s’entretenir, en prison, avec trois défenseurs des droits de l’homme, plusieurs autres, qu’elle avait prévu de recevoir, «ont refusé ou annulé ces rencontres à la dernière minute par crainte de représailles», a affirmé Mary Lawlor, ajoutant que «des défenseurs des droits de l’homme, membres de la société civile et victimes de violations des droits humains ont été empêchés de se rendre à ses rendez-vous à Tizi-Ouzou et ont été arrêtés à des points de contrôle ou détenus pendant plus de dix heures dans un poste de police».
La rapporteuse spéciale a d’ailleurs donné en exemple le cas d’Ahmed Manseri, un militant des droits de l’homme emprisonné depuis le 11 octobre dernier et dont le seul crime est d’avoir eu des entretiens avec Clément Nyaletsossi Voule, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, qui a effectué une visite de 10 jours en Algérie entre fin septembre et début octobre derniers.
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Pour tordre le cou à la propagande du régime algérien et tourner en dérision les qualificatifs juridiques dont il se sert à des fins répressives, Marie Lawlor a affirmé qu’elle n’a rencontré «aucun séparatiste, terroriste ou agitateur politique», en allusion au demi-millier de prisonniers politiques du Hirak embastillés sous prétexte d’appartenir au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) ou au mouvement islamiste Rachad, classés «terroristes» par la junte algérienne.
Résumant les observations de Marie Lawlor, qui a successivement visité Alger, Tizi-Ouzou et Oran, le site du Haut-commissariat aux droits de l’homme écrit que «l’experte de l’ONU a observé quatre principaux types de violations utilisées pour empêcher les défenseurs des droits de l’homme d’exercer leur travail: un harcèlement judiciaire constant, la dissolution des principales organisations de défense des droits de l’homme, des restrictions sur la liberté de mouvement, ainsi que des pratiques d’intimidation et de surveillance ayant de graves répercussions sur la santé mentale des défenseurs et de leurs familles».
En détail, il s’agit d’abord d’une référence aux articles du Code pénal traitant du terrorisme, et particulièrement l’article 87 bis, dans lequel la rapporteuse de l’ONU conteste une définition du terrorisme «si large et si vague qu’elle laisse aux services de sécurité une grande marge de manœuvre pour arrêter les défenseurs des droits de l’homme» et les opposants politiques. «J’ai exhorté le ministre de la Justice à envisager la modification de l’article 87 bis», a-t-elle plaidé.
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Ce plaidoyer concorde parfaitement avec celui émis en octobre dernier à Alger par le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, qui a demandé au gouvernement algérien de «s’attaquer au climat de peur provoqué par une série d’inculpations pénales à l’encontre d’individus, d’associations, de syndicats et de partis politiques en vertu de lois excessivement restrictives, y compris une loi antiterroriste contraire aux obligations internationales de l’Algérie en matière de droits humains».
Fustigeant ensuite la dissolution de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), à laquelle le régime algérien reproche d’avoir constamment dénoncé les arrestations arbitraires des activistes politiques du Hirak, et celle du Rassemblement actions jeunesse (RAJ), une ONG de la société civile qui avait apporté son soutien au Hirak (à travers la conception des banderoles des manifestants), Mary Lawlor a également dénoncé la pratique courante des interdictions de sortie du territoire national (ISTN), qui a fait de l’Algérie une prison à ciel ouvert, et dont l’objectif, a-t-elle critiqué, est la «limitation de la liberté de mouvement» des défenseurs des droits de l’homme, les obligeant ainsi à vivre constamment dans «le stress, l’insécurité et la peur».
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Le dernier homme politique qui a fait les frais de ces fameux ISTN est Abderrazak Makri, ex secrétaire-général du troisième parti politique du pays, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui a découvert, le 30 novembre dernier, qu’il ne pouvait pas quitter cette prison à ciel ouvert qui a pour nom l’Algérie.
Ne pouvant démentir ces accusations onusiennes, déclinées à Alger devant les médias locaux, le régime algérien a réagi, mercredi soir, à travers un communiqué du ministère des Affaires étrangères, qui a indirectement, fait rarissime, reconnu les griefs émis par l’ONU. Selon ce communiqué, «l’Algérie reste prête à intensifier ses efforts pour surmonter les défis dans le domaine de la protection et du respect des droits de l’homme et leurs défenseurs, et achever d’harmoniser son arsenal juridique national dans le but de l’adapter aux dispositions de la Constitution de 2020». Et de se féliciter, en guise de maigre consolation, que la rapporteuse spéciale «ait souligné les fortes protections dans le domaine des droits de l’homme inscrites dans la Constitution de 2020».
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Tout en faisant croire que ces visites onusiennes, longtemps refusées par la junte locale, sont d’initiative algérienne, le MAE affirme qu’elles «s’inscrivent dans le cadre de la mission des rapporteurs spéciaux et répondent à l’invitation officielle des gouvernements concernés», auxquels ces rapporteurs fournissent ensuite des recommandations sur la protection des droits humains. Quel gros mensonge! On a presque envie de pouffer de rire.
En vérité, si le régime algérien fait de l’aplaventrisme devant l’ONU, c’est qu’il veut siéger, le mois prochain, en tant que membre non permanent au Conseil de sécurité, sans apparaître sous son vrai visage d’État voyou. Cette échéance, qui obéit à une rotation naturelle par pays du continent africain, est brandie par Abdelmadjid Tebboune comme une éclatante victoire diplomatique. À l’orée des élections présidentielles de décembre 2024, celui-ci espère berner les Algériens avec cette pseudo-percée diplomatique.