France 24 nous a habitués à un traitement des plus critiques de l’actualité parfois mouvementée au Maroc, comme les évènements qui sont survenus, en 2017, à Al Hoceima. Toute réaction des autorités est ainsi systématiquement passée par la chaîne d’information en continu par les filtres des droits de l’homme et de la liberté d’expression, et ses journalistes n’ont eu de cesse de dire, à cor et à cri, ô combien les réactions des autorités marocaines sont dures, inacceptables et disproportionnées.
Au cours de ces mêmes évènements d’Al Hoceima, nous, téléspectateurs, avons d’ailleurs été amplement servis par cette ligne éditoriale partiale, quand Nasser Zefzafi, le meneur de ces émeutes, avait été dépeint comme un Che des temps modernes, et quand le maintien de l’ordre et de la sécurité des personnes et des biens avait été présenté comme une répression à large échelle. La chaîne n’ayant pas hésité, au demeurant, à illustrer ses propos par des images ayant trait à une toute autre actualité, relative à d’autres lieux et à d’autres dates.
Cette fois-ci, d’autres émeutes ont éclaté, non au Maroc, mais au cœur de Paris, ville lumière, capitale de France.
Les images qui ont circulé à travers les médias du monde entier sont choquantes. L’irruption de la violence, samedi dernier, a été illustrée par des faits extrêmement graves. Le New York Times parle d’une «version moderne d'une révolte des paysans et des ouvriers» qui a transformé «les plus riches avenues et les sites les plus célèbres du pays en véritables zones de guerre». Les médias britanniques ont diffusés en boucle les images des affrontements dans les avenues de Paris, l'Arc de triomphe noyé dans les gaz lacrymogènes et le visage vandalisé de la statue de Marianne dans la galerie de ce monument. Frankfurter Allgemeine Zeitung parle, quant à lui, de «scènes de guerre civile».
Les dégâts observés sur les Champs-Elysées, sous l'Arc de Triomphe et sur l'avenue Kléber, entre autres, sont impressionnants.
Mais alors que la contestation désorganisée du mouvement des Gilets jaunes, née de l'opposition à la hausse des taxes sur le carburant, est la plus sérieuse secousse du quinquennat d'Emmanuel Macron, cette même France 24 a curieusement préféré regarder ailleurs.
Alors que pour la seule journée de samedi, on dénombre 678 interpellations, dont 412 à Paris -dépassant de loin le nombre des interpellés lors des événements d’Al Hoceima, 248 incendies, 112 véhicules incendiés, 130 mobiliers urbains détruits et quelque 263 blessés, la chaîne, qui relève du ministère français des Affaires étrangères auquel elle doit son financement, s’est empêtrée dans un traitement bizarrement minimal, amoindrissant ces faits.
Plusieurs centaines de milliers (voire un million d’euros) de pertes matérielles sont à déplorer: un symbole national, l'Arc de Triomphe, a été vandalisé samedi après-midi, des œuvres d'art ont été endommagées, des dispositifs informatiques sont désormais hors d’usage.
Mais ces faits graves ne le sont pas tant que ça, aux yeux de la chaîne.
Le chef de l’Etat chamboule son agenda pour constater les pertes et dépêche son Premier ministre pour trouver une issue à une crise qui va crescendo?
Cela ne mérite que d’être vaguement évoqué. La capitale de la septième plus grande puissance au monde est à feu et à sang?
Cela n’a finalement aucun intérêt.
La presse du monde entier est, de son côté, fortement choquée par l’ampleur de la violence et les événements de Paris sont à la Une de tous les journaux.
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Mais France 24, qui avait été si prompte à accorder un intérêt interlope aux évènements d’Al Hoceima, allant jusqu’à substituer d’autres images, issues d’autres faits, pour appuyer ses «dénonciations», a très curieusement fait preuve d’un traitement minimaliste de ces émeutes et de leurs conséquences.
Que faut-il donc retenir, si ce n’est que le traitement journalistique de la chaîne dépend pour beaucoup des humeurs et des orientations idéologiques de ses dirigeants? Et qu’à l’objectivité devant guider la démarche de ces derniers, prévaut l’injuste, inique, règle du deux poids, deux mesures?
En France, des chefs d'«actes de violence sur personne dépositaire de l'autorité publique», «dégradations sur des biens destinés à l'utilité publique», «regroupements en vue de commettre des violences», ou encore «port d'armes», passibles de 3 à 7 ans d’emprisonnement, choquent la presse mondiale, mais interpellent peu France 24 qui a pourtant si bien su fait preuve de zèle quand il s’est agi du Maroc.
Au Maroc, on peut donc allègrement mettre le feu à un commissariat de police, au risque de voir ses agents en fonction brûler vif, mais passer quand même pour un héros aux yeux de France 24… Quand des chefs d’accusation identiques sont retenus, ils sont par définition suspects et quand un procès est mené, il devient très vite politique. En France, quand les manifestants ont mis le feu dans une préfecture de police et ont empêché les sapeurs pompiers de le circonscrire alors que les policiers étaient dedans (à l’image d’ailleurs de ce qui avait été commis à Imzouren lors du «Hirak»), les poursuites sont immédiatement lancées.
D’une seule voix, sur tous les plateaux télé de France, on redouble d’efforts et de messages pour dénoncer les violences et les casseurs. Certains commentateurs ont appelé à mieux équiper les forces de l’ordre pour sécuriser les espaces publics et protéger les biens des citoyens.
Mais quand il s’est agi du Maroc, et au nom des droits de l’homme, tous les excès des émeutiers ont été curieusement tolérés, et les tentatives de faire régner l’ordre, de protéger les biens publics (et ceux des citoyens), se sont transmuées, aux yeux des journalistes, en «violences policières».
Chers journalistes de France 24, où fichtre sont donc passés ces beaux principes que vous prôniez pour le Maroc, face aux violences inouïes de ce samedi noir à Paris?