Des officiels alignés, en grand costume et uniforme le long du tarmac à une heure tardive de la nuit (0’11), des médias publics mobilisés avec leurs micros et caméras… Il ne manquait plus que la fanfare officielle du palais El Mouradia, pour compléter la panoplie de l’accueil solennel que l’on réserve généralement en Algérie à un chef d’Etat!
Mais non... Les images diffusées par l’agence officielle algérienne APS (que Dieu minimise son sens du ridicule) sont filmées dans l’aéroport militaire de Boufarik. On y voit un objet volant non identifié (0’04) –sans doute un appareil de l’armée algérienne– décharger une seule, et unique, palette en provenance de Pékin, contenant une cargaison vitale.
Alléluia! Ce sont des vaccins de Sinopharm contre le Covid-19 qui viennent d’atterrir en Algérie. Tombés comme un don du ciel… Ou plutôt un don de Chine. Car c’est le gouvernement chinois qui a envoyé cette cargaison, livrée bien emballée dans une banderole bilingue (en arabe et en mandarin), valorisant la solidarité du peuple chinois avec le peuple algérien en «ces temps durs». Une affiche que le caméraman cadreur a pris furtivement dans un plan –panneau (0’06)–, comme s’il en avait honte.
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Mais l’ambassadeur de Chine accrédité à Alger a bien évidemment été là pour rappeler que ce n'est là qu'une aumône du gouvernement chinois. Les connaisseurs des us diplomatiques relèveront d’ailleurs que l’ambassadeur a commencé son allocution, en appuyant sur l’expression «le gouvernement chinois a fait donation…» (1’37). Il n’a aucunement mentionné le «gouvernement» algérien, ni fait référence à aucun haut responsable du pays.
L’absence de cette figure de style, quasi-imposée dans le jargon des déclarations officielles diplomatiques (surtout quand elle est prononcée dans la langue officielle du pays hôte, regard caméra appuyé) pourrait renseigner sur une certaine réserve du gouvernement chinois quant à ces dirigeants aux manettes, aujourd’hui secoués à nouveau par les vents du Hirak, ce mouvement de contestation sociale qui souffle de plus en plus fort. Mais passons.
Devant Son Excellence, Li Lianh, le représentant du gouvernement algérien ne pouvait que rabattre ce «kéké» qui lui sert de «nif» (1’55). Ammar Belhimer, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, qui avait justement le nez hors du masque, ne pouvait qu'acquiescer, comme un crève-faim devant une banane. Rien à voir avec son attitude, un sonore télévisuel auparavant, où il donnait l’impression de découvrir une déclaration écrite, qu’il décodait comme un parchemin rédigé par Brutus, le Romain à tendance bolchévique. Le Sputnik V (5e du nom), devient le «Sputnik Vé» dans le décryptage du codex byzantin frappé du sceau du dernier tsar: Nicolas, double I… (0’57).
Mais il ne faut pas en vouloir au Don Juan Belhimer: avant de se téléporter à la base militaire de Boufarik, le pauvre était en pleine séance de manœuvres vagales, ces gestes médicaux simples visant à ralentir une tachycardie dont il souffre depuis le mandat d’arrêt émis contre son fils Boumédiene pour une affaire de kif. Des soins finement administrés par sa subordonnée Naïma, tout fraîchement affectée au très influent et sensible angle V de son département…
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Au-delà de résumer tout le talent et le professionnalisme de cette agence officielle algérienne, cette APS félicitée à maintes reprises par des organisations onusiennes et des chancelleries européennes pour son sens de l’intox, le magnéto est désolant pour non frères algériens. Ils en sont réduits à subir une humiliation télévisuelle, pour une aumône dérisoire, qu'on tient à leur emballer comme une victoire diplomatique.
Cette amitié sino-algérienne que leur régime veut leur vendre est à la hauteur de la cargaison pour laquelle il fanfaronne. Une palette de 200.000 doses pourrait correspondre, en Chine, au surplus d’un convoi expédié par erreur par Sinopharm au village le plus reculé et le moins peuplé de Chine, dont les données démographiques n’ont pas été actualisés depuis le déclenchement de la pandémie.
Même pour l’Algérie, cette donation devrait à peine suffire à administrer une première dose aux personnes mobilisées pour l’accueil de la précieuse donation chinoise dans cette base militaire. D’ailleurs les nombreux machinistes manoeuvrant un malheureux chariot élévateur, et une seule solitaire palette se sont d’ailleurs déjà servis, vu qu’ils ne portaient de masques (0’28)…
Pourtant, il s’agit de la livraison la plus importante jamais reçue par l’Algérie depuis le lancement officiel de sa prétendue campagne de vaccination, qui se résume à une photo officielle prise début février. Elle constitue le double des deux cargaisons reçues jusqu'ici de la part d’AstraZeneca et du russe Sputnik V(ais recevoir, inchallah!). L’Algérie est d’ailleurs lanterne rouge du classement Covidax qui projette, au regard de sa cadence de vaccination, son seuil d’immunité collective à horizon novembre 2065…
A la vue de ces images dignes d’un bêtiser ou d’une parodie de guignols (bien tournée), les Algériens doivent bouillir. Ces images reflètent l’échec cuisant d’un régime incapable d’assurer à son peuple le droit élémentaire à la vie, en préservant sa santé. Surtout qu’ils ont, comme référence immédiate, un Royaume voisin, qui, sans la manne des hydrocarbures, a su relever, grâce aux décisions proactives du roi Mohammed VI, le défi de la campagne de vaccination -pour tous.
Face à un grand souverain qui inculque cette dynamique à tout un peuple, les Algériens constatent que leur chef d’Etat en est réduit à se positionner comme l'égal d’une entité fantasmagorique. Le jour même où le tapis rouge a été déroulé à Bourafik pour recevoir le don chinois, Abdelmadjid Tebboune recevait un homme à sa hauteur: le chef du Polisario. Un personnage que les Algériens eux-mêmes surnomment Bousandala, ces sandalettes qu’il a d’ailleurs perdues depuis que les Forces armées royales marocaines ont fait déguerpir ses mercenaires d’El Guerguerat. Les Algériens, qui ont, en plus, dû subir une pitoyable photo placardée à la Une de cette agence APS de ces deux avortons de la politique, l’un illégitime, auquel le peuple s'apprête à rappeler demain, vendredi, une vérité dure pour ses oreilles, et l’autre, un automate moustachu, qui se meut par la seule grâce des généraux de l’ANP.
Pendant ce temps-là, le ministre tunisien des Affaires étrangères doit se dire que décidément ce Sabri Boukadoum, qui lui a promis que l’Algérie allait partager les vaccins avec «les frères tunisiens», est un sacré numéro... Mais trêve de sarcasmes. Décidément, nos frères algériens méritent bien mieux.